Les Haïtiens ne cachent pas leur scepticisme face à la commission internationale chargée de la reconstruction du pays, plus de cinq mois après le violent séisme qui a tué plus de 250 000 personnes et fait près de 1,5 million de sinistrés.

«Depuis plus de cinq mois que ces gens sont ici, je ne vois pas ce qui a changé dans notre vie. Une commission en plus, pourquoi?», s'interroge un cambiste souhaitant garder l'anonymat à Pétion-Ville, dans la banlieue de Port-au-Prince.

«Mes enfants et mes petits-enfants ne verront pas la reconstruction de ce pays promise par la commission», renchérit Jacky Octave, 40 ans.

Ce sentiment est largement partagé dans les rues de Port-au-Prince comme sous les tentes où les réfugiés s'impatientent devant le peu de progrès réalisés dans un pays frappé par de nombreuses catastrophes naturelles ces dernières années et dont l'économie est la plus faible de la région.

Dans les camps d'hébergement qui pullulent à Port-au-Prince, l'impatience est palpable. «Nous ne voyons pas les changements promis. Est-ce qu'on va nous construire des maisons pour sortir d'ici? Je n'ai pas d'espoir», dit Ognol, un jeune écolier qui vit depuis cinq mois sur un terrain de jeu avec sa famille.

La commission pour la reconstruction d'Haïti a inauguré ses travaux jeudi à Port-au-Prince sous la coprésidence du Premier ministre Jean-Max Bellerive et de l'ex-président américain Bill Clinton, mais n'a fait aucune annonce sur les grands chantiers attendus par la majorité des Haïtiens.

«Beaucoup de choses ont changé depuis le séisme. Si vous regardez Port-au-Prince, vous ne verrez pas ce qui a changé, il faut aller dans les autres régions», a soutenu l'ancien président Bill Clinton.

La communauté internationale a promis fin mars 10,5 milliards de dollars sur cinq ans pour reconstruire Haïti. Pour l'instant, très peu d'argent a été versé dans les caisses du pays à part de premières contributions du Brésil et de la Norvège.

Composée à parité d'Haïtiens et de représentants de pays étrangers, la commission chargée de conduire la reconstruction «est mal partie», juge Serge Gilles, un dirigeant de l'opposition. «Son péché mortel: l'absence de consensus et son caractère anticonstitutionnel», déplore-t-il.

Tout en affirmant ne pas voir de problème dans le fait que des étrangers fassent partie de la commission, M. Gilles «craint que le pays ne soit livré à la communauté internationale par le président Préval, qui n'a pas consulté la nation».

Le dirigeant du parti «Aimer Haïti», Camille Leblanc, relève de son côté les failles juridiques dans la création de la commission, mais estime que ce serait une bonne chose pour le pays si elle arrivait à encourager des investisseurs à venir en Haïti.

En inaugurant les travaux de la commission, Bill Clinton a relevé «la motivation des Haïtiens et l'engagement des étrangers dans le processus de reconstruction d'Haïti». Mais il faudra sans doute plus pour gagner la sympathie des Haïtiens de plus en plus gagnés par le pessimisme et qui reprochent à leur gouvernement de les abandonner.