«Avant même le séisme, la situation à Haïti n'était même pas à la hauteur de ce qu'on veut maintenir en situation de crise. Et les choses ne se sont certainement pas améliorées depuis», affirme Jean-Pierre Taschereau, qui a été chef des opérations internationales de la Croix-Rouge à Haïti.

«En plus, on arrive au coeur de la saison des ouragans, ajoute-t-il. On calcule qu'il y a 50% de probabilités qu'un ouragan frappe directement Haïti.»

Près de sept mois après le séisme, la Croix-Rouge brosse un portrait sombre de la situation sur le terrain. L'état d'urgence demeure. L'ONG doit encore se concentrer sur les services de base. Elle se donne quatre priorités : les abris, les soins médicaux, l'accès à l'eau et la préparation aux ouragans.

La Croix-Rouge est à construire 7500 abris à Jacmel et à Léogâne, et 7500 autres ailleurs au pays. Mais deux obstacles compliquent la tâche : le manque d'espace et les droits de propriété. «Les débris au sol sont 25 fois plus importants que ceux du World Trade Center à New York. Pour les enlever, il faudrait 1000 camions par jour pendant 1000 jours», explique M. Taschereau.

Mais il n'y a pas beaucoup de camions. La majeure partie du travail se fait encore à bras.

Avant le séisme, les habitants des bidonvilles de Port-au-Prince disposaient d'un espace vital de 9 mètres carrés. C'est cinq fois moins que les critères de la Croix-Rouge. Il a donc fallu abaisser ces standards.

Il y a aussi le problème des titres fonciers. Selon le droit haïtien, tout abri appartient au propriétaire de la terre sur laquelle il est construit. Cela complique et retarde la construction.

L'accès à l'eau potable est également très limité. Avant le séisme, Haïti était le seul pays où l'accès à l'eau diminuait au lieu d'augmenter. Le réseau de distribution doit maintenant être reconstruit. En attendant, la Croix-Rouge utilise des camions-citernes pour pomper, traiter et distribuer 2,4 millions de litres d'eau par jour.

Certains prétendent que l'ONG nuit à l'économie locale en fournissant gratuitement des biens et des services. «On donne priorité à l'humanitaire avant l'économie, dit M. Taschereau. Mais ce n'est pas soutenable, on ne peut continuer de faire cela à long terme.»

La Croix-Rouge canadienne a reçu 196 millions de dollars en dons pour Haïti. Au 1er juin, elle avait dépensé un peu plus de 100 millions : environ 40 millions pour l'intervention d'urgence et 60 pour la reconstruction.