«Je m'appelle Marc Perreault, je suis à l'aube de la quarantaine... et je suis né deux fois.»

L'entrevue se termine quand Marc Perreault cite cette dernière phrase de son récit. Il est assis dans sa cuisine, détendu, le regard vif, le teint basané, le sourire franc. Il ressemble à l'homme qui s'est envolé pour Port-au-Prince, le matin du 12 janvier, à la veille de sa deuxième naissance.

Il revient de loin. L'ingénieur s'était rendu à Port-au-Prince pour un contrat en compagnie de son collègue Serge Marcil, ancien député fédéral. Sitôt descendu de l'avion, il a rencontré des confrères haïtiens, traversé le chaos de la capitale, admiré les maisons cossues de Pétionville avant d'arriver à son hôtel, le Montana.

Au quatrième étage, où se trouvait sa chambre, Serge Marcil l'a salué avant de remonter dans l'ascenseur. Marc Perreault a eu à peine le temps de poser sa valise que la terre s'est mise à trembler. Blotti contre le lit, il s'est évanoui après avoir reçu un morceau de béton sur la tête.

Il s'est réveillé dans le noir, sous les décombres. Ses jambes étaient coincées, il n'était protégé que par un petit cocon qui menaçait de s'effondrer. Il est resté ainsi 18 heures avant qu'on ne le trouve.

Son calvaire, son sauvetage, son séjour dans les camps en attendant désespérément d'être évacué et sa longue réadaptation, il raconte tout dans un livre qui vient de paraître. Une opération «thérapeutique», dit-il, dans laquelle il décoche quelques flèches. Notamment lorsqu'il raconte que, dans le camp des blessés, sur le tarmac de l'aéroport, personne de l'ambassade du Canada n'est venu s'enquérir de l'état des ressortissants.

«Depuis trop longtemps, écrit-il, le Canada me fait penser à un majestueux vaisseau qui possède tout ce qu'il faut pour susciter la fierté chez ceux qui s'y embarquent. Seulement, les capitaines et la majorité des membres d'équipage qui obtiennent l'autorisation de manoeuvrer ce grand bateau sont généralement de bien mauvais marins.»

Marc Perreault ressemble physiquement à l'homme qu'il était avant de partir à Haïti. Mais quelque chose est bel et bien resté dans les décombres du Montana. Vendue, la grande maison qu'il habitait en banlieue. Partis, le 4X4, le bateau et la moto. Il passe désormais plus de temps avec ses trois enfants. «Je suis séparé, je les voyais une fin de semaine sur deux et ils ne voulaient même plus venir me voir, parce que je travaillais tout le temps pour me payer ces bébelles. Je ne veux plus être esclave de ça.»

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Marc Perreault. Sous les décombres de l'hôtel Montana: Récit d'un survivant du séisme en Haïti. Éditions Les Intouchables.