À première vue, on dirait une grappe de touristes qui débarquent d'un autobus avec leurs bermudas et leurs appareils photo, prêts à immortaliser l'image d'une destination incontournable. Sauf qu'il ne s'agit pas de touristes, mais de missionnaires américains venus prêcher la parole de Dieu aux Haïtiens.

Quant à l'immeuble qu'ils observent à travers une clôture de fer, il n'a rien du Taj Mahal. C'est l'ancien palais présidentiel de Port-au-Prince, dont la splendeur ravagée symbolise toute l'ampleur du désastre qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010.

Quand mon collègue Martin Chamberland l'a photographié six mois après le tremblement de terre, une coupole affaissée trônait encore au milieu de l'édifice. La coupole, qui menaçait de s'écrouler, a été démantelée depuis. Pour le reste, rien n'a changé. Symboliquement, l'occupant potentiel de ce lieu, le président Michel Martelly, a longtemps refusé de reconstruire le palais tant qu'il y aura encore des gens sous les tentes dans la capitale.

Mais la vue de ce bâtiment effondré dérange. « Rasons le palais présidentiel «, a récemment demandé le journal Le Nouvelliste, dans l'espoir que cela aide les Haïtiens à tourner la page...

Port-au-Prince a changé depuis 18 mois. On estime que la moitié des débris qui jonchaient les rues de la capitale haïtienne après le séisme ont été enlevés. Il reste encore l'autre moitié, bien sûr. Mais avec le temps, les gravats se sont en quelque sorte fondus dans la trame urbaine, au point qu'on finit par ne plus vraiment les voir.

Prenez les ruines de la cathédrale de Port-au-Prince, qui dressent toujours leurs moignons de murs au coeur de la ville. Au fil des mois, les vitraux qui avaient survécu au séisme ont été démantelés par des gens qui voulaient récupérer leurs barreaux métalliques. Le mur de la cathédrale a perdu un peu de sa hauteur.

Les cérémonies religieuses se tiennent toujours sous un abri temporaire, derrière la cathédrale. Le jour de notre passage, les membres d'un orchestre qui venait de jouer à des funérailles ont traversé l'ancienne nef, à la queue leu leu. Ces ruines font désormais partie du paysage.

Depuis deux ans, les deux tiers des sans-abri ont quitté leurs camps. On voit beaucoup moins de tentes dans les lieux publics. En décembre, le gouvernement a réussi à évacuer deux camps de Pétionville, où passants et amoureux ont désormais repris leurs droits.

Si le visage de la ville a changé, la reconstruction, elle, n'a toujours pas commencé. Il y a bien ici et là quelques projets d'investissements privés, comme des hôtels. Et des milliers de rescapés ont été relogés dans des habitations temporaires. Mais les nouvelles maisons destinées à durer sont rarissimes.

Le gouvernement haïtien promet de faire de 2012 l'année de la reconstruction. À voir... dans un an.