Policière gradée de Kandahar, Malalaï Kakar n'ignorait pas que les talibans la détestaient. Les rebelles islamistes laissaient presque quotidiennement des menaces de mort devant sa porte. Dimanche, ils les ont mises à exécution.

Mère de six enfants, Malalaï Kakar a été tuée sur le pas de sa porte. D'une balle dans la tête.

Décrié hier partout dans le monde, de la Maison-Blanche à l'Élysée, son assassinat illustre à lui seul la fragilité des avancées du droit des femmes en Afghanistan depuis la chute du régime des talibans en novembre 2001.

L'histoire de Malalaï Kakar est étroitement liée à celle de son pays. Pionnière, elle a été la première femme à recevoir ses galons de l'Académie de police de Kandahar. Quand les talibans ont pris le contrôle de la principale ville du sud de l'Afghanistan en 1994, elle avait déjà plus de sept ans d'expérience dans les forces de l'ordre.

Dès leur prise du pouvoir, les talibans lui ont laissé savoir qu'ils ne toléreraient pas sa présence au sein de la police. En fait, ils ont obligé toutes les femmes à quitter le marché du travail. Malalaï Kakar n'a alors pas demandé son reste: elle s'est exilée au Pakistan.

Elle y a rencontré son mari, un travailleur des Nations unies et «un homme moderne», comme elle aimait l'appeler lors d'entrevues avec des médias occidentaux. Quand elle est rentrée en Afghanistan en 2002, elle était maman d'une famille nombreuse.

Mais ses nouvelles responsabilités ne lui ont pas fait courber l'échine: elle a rejoint dès qu'elle a pu les rangs de la police à son retour. Un exploit fort remarqué - elle a tué trois criminels lors d'une confrontation - lui a permis d'accéder au rang de capitaine.

À sa mort, âgée d'à peine 40 ans, elle était responsable de la section des crimes commis contre les femmes. Consciente du danger que représentait son travail, elle le croyait néanmoins nécessaire. Sa présence était particulièrement utile lors d'incidents se déroulant dans des milieux plus conservateurs où il est interdit aux femmes d'entrer en contact avec des hommes qui ne sont pas de leur famille. «Ce n'est pas un travail facile, mais c'est important que des femmes y prennent part. Nous devons faire partie du nouvel Afghanistan», a-t-elle dit l'an dernier au magazine Marie-Claire, qui lui avait consacré un article de plusieurs pages.

Sa célébrité en Afghanistan comme à l'étranger ne plaisait pas dans les rangs des talibans, qui, depuis deux ans, mènent une lutte féroce contre les forces de l'OTAN déployées dans le sud de l'Afghanistan, dont l'armée canadienne. Dimanche, le mouvement extrémiste sunnite a rapidement revendiqué l'assassinat de Malalaï Kakar. «Elle était notre cible et nous l'avons éliminée», pouvait-on lire dans un communiqué de l'organisation clandestine.

Malalï Kakar n'est pas la première à connaître ce triste sort. Depuis six mois, les talibans font la vie dure aux policiers. Ils en ont tué plus de 720. Mais le meurtre de la capitaine de Kandahar a plongé le pays en entier dans le deuil. Le président Hamid Karzaï a qualifié l'acte des talibans de «pure lâcheté». Les femmes afghanes, elles, pleurent la perte d'une icône du courage.