«Reconstruire quoi? On n'avait pas de pays!» lance Jacquelin Télémaque, journaliste pigiste d'origine haïtienne qui a passé un mois à Haïti après le tremblement de terre. «Ce que j'ai vu, moi, c'est un restant de pays, un restant de capitale, des amputés partout et une absence totale d'État.»

Cela fait des décennies qu'Haïti est sous perfusion. Des millions par-ci, des millions par-là, des ONG partout. Haïti est l'un des pays les plus aidés de la planète et pourtant, même avant le tremblement de terre, 4,5 millions d'Haïtiens vivaient avec moins de 1$ par jour. Pendant toutes ces années d'assistanat, «le sort des citoyens ordinaires ne s'est pas amélioré», dit Samuel Pierre, professeur à l'École polytechnique et organisateur d'une grande conférence sur la reconstruction, qui a eu lieu le mois dernier à Montréal.

 

«La nation haïtienne s'est construite contre l'État. Les Haïtiens ont une méfiance naturelle face à l'État», rappelle Edgard Prévilon, gestionnaire d'enseignement supérieur à l'Université Quisqueya, joint à Port-au-Prince.

«On parle toujours de la légendaire débrouillardise haïtienne. Ce que cela veut aussi dire, c'est que l'Haïtien est toujours dans sa solitude. Pour les transports, il se débrouille tout seul. Pour l'énergie dont il a besoin, il se débrouille seul. Pour l'éducation, il se débrouille seul.»

«Vous savez, tous ces gens qui vivent sous la tente, en Haïti? raconte le professeur Prévilon. Dans le lot, il y en a une partie qui a toujours une maison. Seulement, ils n'ont pas de quoi manger, pas de quoi se soigner. Ils vont donc se prendre une tente en prétendant ne plus avoir de maison et, vers 22, 23h, ils rentrent chez eux.»

Une responsable d'une ONG confirme l'existence de ces camps «de jour». C'est là qu'est rendu Haïti. Et c'est sur cela que seront jugés les pays bailleurs de fonds qui parleront à New York prochainement.