L'administration Bush est débordée de travail ces jours-ci. Du sort des agents impliqués dans des actes de torture au démantèlement des lois environnementales, le président sortant a moins de 60 jours pour laisser son empreinte sur le pays.

George W. Bush veut protéger les centrales au charbon et défendre les interrogateurs de Guantánamo. Il veut affaiblir les lois sur les produits toxiques et permettre aux fermes de déverser leurs déchets dans les cours d'eau.

Bref, Bush veut imposer - pour la dernière fois - le sceau de sa présidence sur la carte des États-Unis.

À moins de 60 jours de la fin de son mandat, on pourrait croire que le président sortant coule des jours paisibles à la Maison-Blanche. Rien n'est plus faux : Bush et son équipe travaillent depuis des semaines à changer les règles du gouvernement.

La méthode n'est pas nouvelle. Elle a même un nom : midnight regulations en raison du caractère secret des arrêtés rendus en fin de mandat.

«Tous les présidents veulent étendre leur influence, explique Anne Joseph O'Connell, professeure de droit à l'Université Berkeley. Ils ont une dernière chance d'imposer des changements, et ils sautent sur l'occasion pour utiliser leur pouvoir avant de plier bagage.»

George Bush père, dit-elle, détient le record absolu : son administration a promulgué plus de règlements durant les trois derniers mois de son mandat que n'importe quel président américain. Bill Clinton avait aussi utilisé les derniers jours de son administration pour resserrer les lois sur la protection des parcs nationaux et sur l'environnement.

Une méthode unique

Si George W. Bush n'a pas inventé les «arrêtés de minuit», il a poussé leur utilisation à des sommets jamais vus, a récemment analysé la journaliste en environnement Elizabeth Kolbert

«Ce qui distingue l'administration Bush dans les derniers jours de son mandat, c'est la pureté de son cynisme, écrit-elle. Les employés de la Maison-Blanche ne se donnent même pas la peine d'invoquer l'intérêt public pour justifier les changements. Ce serait peine perdue : chaque point proposé est un cadeau à l'industrie.»

Ainsi, le gouvernement fédéral veut permettre aux entreprises polluantes, comme les centrales au charbon et les raffineries de pétrole, de s'installer près des limites des parcs nationaux. La moitié des 10 directeurs de l'Environmental Protection Agency ont refusé d'implanter cette mesure dans le passé. Quatre autres directeurs l'avaient critiquée par écrit.

Bush veut également permettre aux entreprises agricoles de déverser plus facilement leurs déchets dans les cours d'eau, une mesure à laquelle s'opposent les environnementalistes.

Adoptés et mis en application par les agences fédérales, ces règlements ne sont pas soumis au vote du Congrès. Selon Mme O'Connell, la prochaine administration pourra difficilement défaire les changements réalisés à la dernière minute.

«Ces changements peuvent être annulés, mais c'est une tâche longue et laborieuse, dit-elle. Pendant ce temps, le nouveau président ne met pas de l'avant de nouvelles initiatives.»

Bush songe aussi à accorder le pardon présidentiel aux interrogateurs de la CIA qui ont torturé des prisonniers de la «guerre contre le terrorisme» à Guantánamo. Dans les coulisses, les patrons du service de renseignement font des pressions afin que Bush utilise son pouvoir pour «blanchir» les interrogateurs. Ceux-ci craignent d'être exposés à des poursuites au cours des prochaines années.

Plusieurs groupes s'opposent à un tel geste, dont Amnistie internationale, selon qui ce serait «le premier pardon présidentiel accordé de façon préventive dans l'histoire des États-Unis».

La décision promet de faire du bruit. Bush n'a pas encore dévoilé son jeu. Il lui reste deux mois pour mettre ses cartes sur la table.