«Je veux faire de l'argent», aurait déclaré le gouverneur démocrate de l'Illinois, Rod Blagojevich, confiant à son directeur de cabinet son voeu d'encaisser entre 250 000$ et 300 000$ par année.

Le politicien de Chicago pensait tout haut à ce que pourrait lui rapporter la mise aux enchères du siège vacant au Sénat de Barack Obama. C'est du moins l'accusation la plus sensationnelle formulée contre lui hier par le bureau du procureur fédéral. En tant que gouverneur de l'Illinois, Rod Blagojevich, 51 ans, a le dernier mot dans la nomination du successeur du président désigné.

 

Son «comportement ferait retourner (Abraham) Lincoln dans sa tombe», a déclaré le procureur Patrick Fitzgerald devant la presse, faisant référence au 16e président des États-Unis, un politicien de l'Illinois reconnu pour sa grande probité.

Rod Blagojevich et son directeur de cabinet, John Harris, ont été arrêtés hier matin par le FBI sur des accusations de corruption à l'issue d'une longue enquête. Les enquêteurs avaient obtenu en octobre la permission de mettre son téléphone sous écoute.

Selon le procureur Fitzgerald, «l'ampleur de la corruption contenue dans ces accusations est stupéfiante». Et d'ajouter: «Il est reproché à Blagojevich d'avoir mis un panneau à vendre sur la nomination d'un sénateur des États-Unis, de s'être impliqué personnellement dans la pratique de pots-de-vin avec la précipitation d'un vendeur cherchant à atteindre son objectif annuel, et d'avoir utilisé son bureau de façon illicite pour tenter de bâillonner des voix d'éditorialistes critiques.»

Chicago Tribune

En effet, le gouverneur de l'Illinois est également accusé d'avoir menacé de suspendre l'aide de l'État au groupe de presse du Chicago Tribune afin de «provoquer une purge des éditorialistes du journal».

Mais l'accusation d'avoir tenté de «vendre» le siège de Barack Obama est celle qui a retenu l'attention des Américains hier. Selon l'acte d'inculpation de 76 pages, le gouverneur de l'Illinois aurait évoqué plusieurs scénarios pour monnayer ce siège au profit de sa famille.

Il voulait pour lui-même un emploi bien rémunéré au sein d'une fondation caritative ou d'une organisation syndicale, ou encore une place au sein du cabinet présidentiel ou un poste d'ambassadeur après la fin de son mandat de gouverneur.

Il aurait également tenté d'obtenir pour sa femme un siège au sein de conseils d'administration où elle aurait pu recevoir au moins 150 000$.

«J'ai cette chose, et cela vaut de l'or», aurait-il dit au lendemain de l'élection présidentielle, en parlant de son pouvoir de nommer le successeur de Barack Obama au Sénat. «Je ne l'abandonnerai pas pour rien», aurait-il ajouté en ponctuant ses phrases de jurons.

Le procureur Patrick Fitzgerald a précisé que Barack Obama n'était pas une cible de l'enquête du FBI. En fait, selon l'acte d'accusation, le gouverneur Blagojevich aurait tenté en vain de corrompre l'entourage du président désigné.

«Qu'ils aillent se faire foutre», aurait-il dit en parlant des conseillers d'Obama, qui refusaient de lui donner quelque chose en retour de la nomination de leur candidat préféré.

Barack Obama, de son côté, a affirmé n'avoir eu aucun contact avec le gouverneur de l'Illinois à propos de son successeur au Sénat. «Je n'étais pas au courant de ce qui se passait, a-t-il déclaré lors d'un point de presse. C'est un triste jour pour l'Illinois. Comme il s'agit d'une enquête en cours impliquant le gouverneur, je ne crois pas qu'il serait opportun que je commente cette affaire à ce stade», a-t-il ajouté.

Rod Blagojevich avait été élu en 2002 en promettant de mettre un terme à la corruption qui avait marqué les années au pouvoir de son prédécesseur, le républicain George Ryan. S'il ne démissionne pas, il pourrait faire l'objet d'une procédure de destitution.

Le gouverneur est passible d'une peine de prison de 10 ans s'il est reconnu coupable.