Eric Holder, le candidat de Barack Obama pour être ministre de la Justice, était passé jeudi au gril des questions du Sénat à qui il a promis d'être indépendant de la Maison-Blanche, de respecter la Constitution dans la lutte antiterroriste et d'en finir avec la torture.

«J'utiliserai toutes les stratégies possibles pour faire échec à nos adversaires et je le ferai dans le respect de la lettre et de l'esprit de la Constitution», a promis M. Holder.

La prestation de celui qui s'apprête à 57 ans à devenir le premier ministre de la Justice noir des États-Unis revêtait une certaine solennité historique jeudi, jour où Martin Luther King aurait eu 80 ans.

Au premier jour de sa séance de confirmation devant la commission judiciaire du Sénat, il s'est en outre appliqué à montrer qu'il entendait rompre avec les pratiques très controversées de ses prédécesseurs en matière de lutte antiterroriste.

Interrogé sur la technique d'interrogatoire consistant à simuler la noyade, utilisée dans la foulée des attentats du 11septembre par les Américains contre certains détenus, il a affirmé qu'il s'agissait de «torture».

Ces pratiques, autorisées un temps, ne le sont plus depuis plusieurs années, selon le Pentagone, dans le manuel pratique de l'armée de Terre, que M. Holder a jugé «adéquat».

Pour lui, le président des États-Unis ne peut pas offrir l'«immunité» à un officier de renseignement pour pratiquer la torture. «Personne n'est au-dessus de la loi», a-t-il répété à plusieurs reprises.

Il a promis que les techniques d'interrogatoire seraient désormais «conformes aux obligations prévues dans les traités» internationaux signés par les États-Unis, dont les Conventions de Genève.

Alors que de nombreuses voix s'élèvent aux États-Unis pour que la nouvelle administration lance une enquête indépendante pour dégager les responsabilités au plus haut niveau de l'État sur ces questions, M. Holder a paru peu enclin à se lancer dans une telle aventure.

«Nous ne voulons pas criminaliser des différences de politiques», a-t-il assuré.

Il a également précisé que la prison de Guantanamo serait «physiquement» fermée «assez rapidement» mais que le sort de certains détenus n'avait pas encore été tranché par l'équipe de transition.

Certains seront relâchés, d'autres seront inculpés mais il existe une «troisième catégorie» de détenus, a affirmé M. Holder, non «inculpables» - faute de preuve - mais qui demeurent «néanmoins dangereux». «Pour ceux-là, nous devons trouver ce que nous allons faire avec eux», a-t-il reconnu.

La question du pouvoir du président américain consistant à enfermer quelqu'un indéfiniment sur le simple soupçon qu'il peut être dangereux, est actuellement devant la Cour suprême.

Les avocats des détenus et les associations estiment que la nouvelle administration ne peut pas entériner l'existence de cette troisième catégorie.

Alors que le ministère de la Justice a été entaché à de nombreuses reprises dans les années Bush de scandales sur des nominations politiques (limogeage de procureurs de tendance démocrate en 2006, nomination de fonctionnaires même subalternes, en fonction de leurs sympathies conservatrices), Eric Holder a en outre certifié aux sénateurs qu'il saurait conserver son indépendance.

«Il doit y avoir une distance entre moi et le président», a-t-il expliqué. «J'ai montré ma capacité à être indépendant des gens qui me nomment», a-t-il ajouté, en référence au poste de numéro 2 du ministère de la Justice qu'il occupait lors du deuxième mandat de Bill Clinton.

C'est pourtant sur son rôle à cette époque que M. Holder devrait être le plus bousculé par les sénateurs républicains.

Il aurait soutenu auprès de M. Clinton, dans les dernières heures de sa présidence en 2001, la demande de grâce de l'homme d'affaire Mark Rich poursuivi pour évasion fiscale et qui s'était enfui en Suisse.

Il a admis devant la commission qu'il avait commis là une «erreur».