«L'Histoire me jugera», a souvent répété le président George W. Bush, dont la présidence se terminera mardi à midi. À court terme cependant, le bilan de ces huit années est sévèrement jugé par les observateurs de la scène politique américaine.

Mais lorsqu'on y regarde de plus près, il est possible de dégager des nuances, des analyses plus fines sur les gestes posés par son administration et leurs conséquences à plus long terme.

 

La Presse a ainsi recueilli les observations de trois spécialistes canadiens dont les commentaires se complètent.

MICHAEL BYERS

Université de Colombie-Britannique

«Incompétence», «désastre», «terrible». Les mots qu'emploie ce spécialiste de la politique extérieure des États-Unis sont très durs à l'endroit du 43e président.

«Il est beaucoup plus facile de détruire que de se bâtir une réputation», avance-t-il. Et en ce sens, les décisions unilatérales, faisant fi des organisations internationales, comme le fait d'envahir l'Irak sans une caution de l'ONU, ne seront pas oubliées de sitôt.

M. Byers croit même que les États-Unis mettront «des décennies» à rebâtir leur crédibilité dans certains dossiers internationaux. «Barack Obama amorce sa route avec bien peu d'essence dans le réservoir», lance-t-il.

M. Byers estime aussi que la population aura à porter une partie du blâme. Peu de protestations ont été entendues dans les cas d'abus comme à Guantánamo ou dans les prisons d'Irak. «Ils se sont comportés en conquistadors», dit-il, alors que le monde aurait eu bien plus besoin d'une superpuissance qui aurait montré la voie dans plusieurs domaines où les choses allaient mal.

FRANÇOIS FURSTENBERG

Université de Montréal

Pour ce professeur au département d'histoire et titulaire d'une chaire en études américaines, la réaction de l'administration Bush à la suite de l'ouragan Katrina constitue le tournant de cette présidence. À partir de ce moment-là, le président a fait face à une perte de crédibilité qui s'est ajoutée à une popularité déjà en déclin. «Katrina a secoué cette idée de compétence qu'on pouvait avoir de lui», analyse ce jeune professeur.

Autre fait marquant de ces huit années: l'agrandissement marqué du pouvoir exécutif dont le président est le chef. «Le cas de Guantánamo est l'exemple le plus connu», dit M. Furstenberg. Arrêtées de par le monde, des centaines de personnes ont été envoyées dans cette prison hors du territoire américain où leurs droits ne sont pas reconnus.

«Plusieurs fois, la Cour suprême a déclaré ces gestes illégaux mais l'administration Bush n'en a pas tenu compte», observe le professeur et chercheur.

Comme M. Byers, François Furstenberg désigne la politique américaine d'aide à l'Afrique pour combattre les affres du sida comme un des bons coups de cette administration.

GILLES VANDAL

Université de Sherbrooke

Très critique des années Bush, Gilles Vandal estime toutefois que le président sortant a montré plus d'ouverture sur le monde au cours de son second mandat. Un article récemment publié dans le New York Times et relatant que le président Bush a refusé de donner son aval à un bombardement par Israël d'une centrale nucléaire iranienne en est un bon exemple, dit-il.

«Dans le cas de la Corée du Nord, les États-Unis ont accepté une médiation à six», dit-il. Un multilatéralisme qui contraste avec les décisions unilatérales du premier mandat.

La fin de l'ère Bush marque aussi à ses yeux la conclusion d'une période de 30 ans dominée par la droite religieuse où l'on affirmait, à l'image du président Reagan, que l'État n'est pas la solution mais le problème. Il y a bien sûr eu l'intermède Clinton mais encore, analyse M. Vandal, le président démocrate a été élu en raison de la division de la droite et en gouvernant au centre.

La récente intervention de l'administration pour sauver le système financier marque une cassure avec l'ancien régime. Soudainement, on voit que l'État est la solution. «M. Bush pave ainsi la voie à l'administration Obama», dit M. Vandal.