La glace est désormais le suspect numéro un dans la tragédie aérienne qui a coûté la vie à 50 personnes dont un Canadien, jeudi soir. L'équipage du vol Continental 3407 a aperçu une accumulation «significative» sur le pare-brise et les ailes, quelques minutes avant l'accident survenu en banlieue de Buffalo, dans l'État de New York.

L'appareil Dash 8 Q400, construit par l'entreprise québécoise Bombardier, avait décollé de Newark au New Jersey et s'approchait de Buffalo, sa destination. À 22h20, l'appareil a percuté une maison dans la petite ville de Clarence Center, à moins de 10 km de l'aéroport. Les 49 passagers et membres d'équipage sont morts, tout comme une personne qui se trouvait dans la maison. Quatre personnes ont été blessées.

 

Ralentis par une fuite de gaz qui alimentait les flammes, les pompiers ont mis plus de 12 heures à maîtriser l'incendie qui a ravagé les décombres.

L'appareil piquait du nez dans les secondes qui ont précédé l'écrasement, ont affirmé des témoins, et l'aile gauche penchait vers le bas. «Les moteurs n'avaient pas un son typique, a déclaré un habitant du voisinage, Tony Tatro. Ils n'émettaient pas un son normal.»

Les derniers échanges entre le pilote et la tour de contrôle ne laissaient pourtant rien présager d'anormal. Le pilote Marvin Renslow semblait calme lorsqu'il a lancé «Colgan Flight 3407», son dernier message radio. Deux minutes plus tard, le contrôleur aérien a lancé un appel strident à tous les avions du secteur: l'appareil avait disparu de son écran radar.

Détails troublants

L'organisme chargé de l'enquête, le National Transportation Safety Board, a récupéré les deux boîtes noires de l'appareil. S'il est trop tôt pour établir les causes exactes de l'accident, les enquêteurs ont néanmoins dévoilé des détails troublants sur les derniers instants du vol.

Le train d'atterrissage était déployé au moment de l'impact. Le pilote semble avoir tenté de stopper sa descente, mais il appert que l'appareil a roulé et tangué dans toutes les directions avant de s'écraser.

La visibilité atteignait près de 5 km. La brume et la neige ont provoqué des conditions favorables à la formation de glace sur l'appareil. «L'équipage a discuté d'une accumulation significative de glace sur le pare-brise et sur les ailes», a d'ailleurs indiqué le porte-parole du NTSB, Steven Chealander.

Les boîtes noires révèlent que le mécanisme de déglaçage était actionné au moment de l'accident. Mais cela ne veut pas dire qu'il fonctionnait correctement.

Le Bombardier Q400 est muni d'une gaine de caoutchouc qui recouvre l'avant des ailes. Le dispositif se gonfle pour faire éclater les accumulations de glace.

«Mais il faut laisser la glace se former un peu, explique Yvan-Miville Des Chênes, expert en aviation. Si on pousse sur le bouton continuellement, les gaines de caoutchouc vont se gonfler et le petit monticule de glace va se former en arrière et ça va briser complètement la portance. Il y a une façon d'utiliser ce mécanisme-là.»

L'enquête pourrait prendre plusieurs mois. Le Bureau de la sécurité des transports du Canada y prendra part. Les appareils Q400 de Bombardier sont assemblés à Toronto.

Victimes

Un Canadien fait partie des victimes. Une entreprise de Fort Erie, en Ontario, a confirmé que Don MacDonald, son employé depuis 26 ans, est mort dans l'accident.

L'historienne Alison Des Forges, une militante pour les droits de la personne, a également péri dans la tragédie. Cette experte de la question du Rwanda avait agi comme témoin expert dans le procès du présumé criminel de guerre Désiré Munyaneza, à Montréal.

Aussi à bord de l'avion, Beverly Eckert, la veuve de Sean Rooney, mort dans les attentats au World Trade Center, le 11 septembre 2001. Mme Eckert se rendait à Buffalo, la ville natale de son mari, pour commémorer ce qui aurait été son 58e anniversaire.

D'autres ont eu plus de chance. N'eût été de la météo qui avait retardé son vol en après-midi, Paul Twaragowski serait arrivé à l'aéroport de Newark à l'heure. Et il aurait pris place à bord du vol 3407, qui devait le mener à Buffalo.

«Mes pensées et mes prières vont à tous ceux qui étaient à bord de l'avion et à leurs familles», a-t-il déclaré, encore incrédule, en regardant le billet d'avion qui porte son nom.

Avec CNN, Associated Press, AFP, New York Times.