Une avalanche récente de procédures devant la justice américaine contre des entreprises accusées de complicité de violation des droits de l'homme sonne comme un avertissement aux grands groupes qui opèrent dans des pays où sont commises des exactions, selon des experts.

Des victimes du régime d'apartheid en Afrique du Sud viennent d'être autorisées à poursuivre aux Etats-Unis plusieurs multinationales comme General Motors ou IBM.

Une juge fédérale de New York a donné le feu vert mercredi à ces poursuites en nom collectif, en vertu de la législation américaine autorisant des plaignants étrangers à porter plainte devant un tribunal américain dans des cas de violation des droits de l'homme.

Le mois prochain, ce sera au tour du géant pétrolier anglo-néerlandais Royal Dutch/Shell de comparaître pour se défendre d'accusations de complicité dans des exactions contre le peuple Ogoni au Nigeria, dont l'exécution en 1995 du célèbre militant écologiste et écrivain ogoni Ken Saro-Wiwa.

D'autres plaintes ont été déposées notamment par des Irakiens à l'encontre de sous-traitants américains comme la société de sécurité controversée Blackwater, accusée de complicité dans des violences en Irak.

Dans toutes ces affaires, les plaignants se basent sur la loi «Alien Tort Claims Act» (Loi de Revendication pour Délit Etranger), qui exige des entreprises ayant une présence importante aux Etats-Unis de respecter la législation américaine partout dans le monde.

Peu utilisée jusqu'à présent, cette loi adoptée initialement en 1789, a récemment ressurgi.

«Il y a une progression», a expliqué Jennie Green du Centre pour les Droits constitutionnels. Le recours à cette loi «change le paysage (judiciaire), allongeant la liste des restrictions légales à laquelle (les entreprises) doivent obéir».

Dans la décision judiciaire de mercredi, la juge fédérale de New York Shira Scheindlin a autorisé des victimes de l'apartheid à poursuivre les constructeurs automobiles allemand Daimler et américains GM et Ford pour «assistance et incitation à des actes de torture (et) à des exécutions arbitraires» et pour «apartheid».

Elle permet également aux plaignants de poursuivre le groupe informatique américain IBM pour «assistance et incitation au déni de nationalité arbitraire et apartheid».

Le groupe allemand de défense Rheinmetall peut être poursuivi pour «assistance et incitation à des exécutions arbitraires et apartheid».

Un procès devrait intervenir en 2011, à moins d'un règlement à l'amiable.

L'un des avocats des plaignants, Michael Hausfield, a salué «une avancée majeure dans le droit international».

«Je pense que c'est une décision qui fait date, extrêmement importante dans le domaine de la responsabilité des sociétés et des violations des droits de l'homme», a-t-il déclaré à l'AFP.

Mais pour Peter Rosenblum, professeur de droit à l'université Columbia, la loi Alien Tort est trop étroitement définie pour que les entreprises soient submergées de plaintes.

«Le cas qui peuvent être pris en compte sont très limités. Il faut qu'il y ait des violations flagrantes» des droits de l'homme, a-t-il expliqué.

«Il se passe beaucoup de choses dans le monde de l'entreprise en ce qui concerne les droits de l'homme, et il y a une grande attention là dessus. (...) Il n'y a rien d'aussi efficace qu'un procès pour attirer l'attention», a-t-il toutefois ajouté.