En 1787, Alexander Hamilton, un des pères fondateurs des États-Unis, prédit que les anciens présidents allaient errer «comme des âmes en peine». John Quincy Adams, qui fut élu à la Maison-Blanche en 1824, lui donna raison en affirmant qu'il n'y avait «rien de plus pathétique dans la vie qu'un ancien président».

De toute évidence, Hamilton et Adams ne croyaient pas à la vie après la présidence américaine pour ceux qui y avaient goûté. Pourtant, comme Adams allait lui-même le prouver en siégeant pendant 18 ans à la Chambre des représentants, où il lutta notamment contre l'esclavage, plusieurs anciens présidents ont mené des existences remarquables après leurs années au 1600, Pennsylvania Avenue.

Et Bill Clinton, qui a retenu l'attention cette semaine en obtenant la libération de deux journalistes américaines détenues en Corée du Nord, entre dans cette catégorie, selon Max Skidmore, auteur de After the White House, un ouvrage publié en 2004 sur la vie des anciens présidents en tant que «citoyens privés».

«S'il continue dans la même direction avec sa Clinton Global Initiative, il rivalisera certainement avec Jimmy Carter, s'il ne le surpasse pas, en tant qu'ex-président de première valeur. Pour le moment, je dirais que Carter mène la carrière d'ex-président la plus remarquable depuis John Quincy Adams et William Howard Taft», a déclaré Skidmore, qui est également politologue à l'Université du Missouri, lors d'un entretien téléphonique.

Huit ans après son départ de la Maison-Blanche, Taft fut nommé président de la Cour suprême, poste qu'il occupa pendant neuf ans et qu'il préféra de beaucoup à la présidence. Il est l'un des 33 présidents qui ont terminé leur mandat avant d'entrer dans ce que l'un d'eux, Herbert Hoover, a appelé «le syndicat le plus exclusif du monde».

Plusieurs membres du club des ex ont certes préféré se retirer de la vie publique. Lyndon Johnson et Ronald Reagan ont fait partie de cette catégorie. George Bush père, de son côté, a prononcé quelques discours bien rémunérés, collaboré à deux livres et lancé avec Bill Clinton un fonds pour aider les pays d'Asie touchés par le tsunami de 2004. Mais il mène la vie d'un retraité typique, exception faite de ses sauts occasionnels en parachute.

Son fils a envoyé des messages contradictoires à propos de sa vie d'ex-président. D'un côté, il entend rester actif, s'étant engagé à écrire ses mémoires et à créer à Dallas un musée dédié à sa présidence ainsi qu'un «Institut de la liberté» pour promouvoir la démocratie. Il a également indiqué son intention de prononcer des conférences pour regarnir son compte en banque.

Mais il a également avoué sa préférence pour une retraite discrète.

«Quand je sortirai d'ici, je quitterai la scène. Je pense qu'il doit n'y avoir qu'une personne à la fois sous les projecteurs. J'ai eu mon temps sous les projecteurs», a déclaré George W. Bush lors de sa dernière conférence de presse en tant que président des États-Unis.

Jimmy Carter et Bill Clinton ne partagent évidemment pas ce sentiment. Le premier a réinventé le rôle d'ancien président en menant un combat inlassable en faveur de la résolution pacifique des conflits, de l'aide au développement et de la prévention des maladies contagieuses. Il a également mis sur pied le programme Habitat pour l'humanité, qui a construit plus de 15 000 maisons aux États-Unis et dans le monde.

Selon Max Skidmore, «certains des traits qui ont nui à Carter en tant que président l'aident en tant qu'ancien président».

«Il est très têtu, il peut tomber dans le pharisaïsme, mais il est très déterminé. Ses qualités le servent très bien en tant que réformateur», a déclaré le politologue.

Racheter sa présidence

Si Jimmy Carter est considéré par certains comme le meilleur ex-président, il n'est pas le premier, en revanche, à tenter de racheter une présidence plus ou moins réussie par son action après son départ de la Maison-Blanche. Richard Nixon tombe évidemment dans cette catégorie, ayant passé les dernières années de sa vie à écrire des livres pour faire oublier son rôle dans le scandale du Watergate.

Herbert Hoover, chassé du pouvoir en plein coeur de la Grande Dépression, est un autre exemple. À la demande du président Harry Truman, il a piloté plusieurs projets gouvernementaux, dont l'aide alimentaire à une Europe affamée après la Seconde Guerre mondiale, une mission qui a contribué à son regain de popularité.

Franklin Roosevelt n'avait pas été aussi magnanime à l'endroit d'Hoover. À ses conseillers qui l'exhortaient à faire appel aux services de l'ancien président républicain, le démocrate avait répondu : «Je ne suis pas Jésus-Christ, je ne ressuscite pas les morts.»