Le sénateur démocrate américain Jim Webb doit rencontrer ce week-end le numéro un birman, le généralissime Than Shwe, pour la première entrevue à haut niveau entre un responsable américain et l'homme fort de Birmanie.

La visite samedi et dimanche en Birmanie de M. Webb, qui est proche du président Barack Obama, interviendra alors que le régime militaire birman est sous le feu des critiques internationales pour avoir fait condamner l'opposante Aung San Suu Kyi à 18 mois supplémentaires d'assignation à résidence. Un ressortissant américain de 54 ans, John Yettaw, a été condamné avec elle à sept ans de prison et de travaux forcés pour avoir brièvement séjourné en mai dernier chez la lauréate du prix Nobel de la paix. La santé de M. Yettaw est fragile et il a eu plusieurs crises d'épilepsie en détention.

«Plus tard cette semaine, le sénateur américain Jim Webb doit rencontrer les plus hauts dirigeants du gouvernement en Birmanie, y compris le généralissime Than Shwe», indique un communiqué du cabinet de M. Webb.

«Si cette rencontre a lieu, ce sera la première fois qu'un haut responsable américain s'entretiendra avec le plus haut dirigeant de Birmanie», poursuit le texte, soulignant qu'aucun membre du Congrès des États-Unis ne s'est rendu en Birmanie depuis plus de dix ans.

Than Shwe (76 ans) est arrivé au pouvoir en 1992. Il a été considéré jusqu'ici comme une des «bêtes noires» des Américains qui, avec les Européens, ont imposé des sanctions contre la Birmanie en raison des violations répétées des droits de l'Homme et de l'absence de réformes démocratiques dans ce pays.

Un responsable birman, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, n'a pas été en mesure de confirmer jeudi que Than Shwe recevrait Jim Webb. Mais il a ajouté que les Américains, qui entretiennent un dialogue permanent avec la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Mme Suu Kyi, «devaient parler» aussi avec les autorités.

M. Webb, vétéran de la guerre du Vietnam, effectue actuellement une tournée en Asie du Sud-Est. Il préside la sous-commission des Affaires étrangères du Sénat pour l'Asie de l'Est et le Pacifique.

Mardi, le président Obama s'était «joint à la communauté internationale pour appeler à la libération immédiate et sans condition d'Aung San Suu Kyi». Il s'était également inquiété du sort réservé à M. Yettaw.

Au lendemain des verdicts de Rangoon, les avocats de Mme Suu Kyi et de M. Yettaw avaient annoncé leur intention de faire appel.

Khin Maung Oo, avocat du ressortissant américain, avait ajouté que, si nécessaire, «nous écrirons» à Than Shwe «pour que M. Yettaw soit expulsé» de Birmanie.

Un diplomate occidental en poste à Rangoun a estimé qu'avec l'annonce de jeudi, la visite de Jim Webb prenait une tournure «plus importante qu'on ne le pensait au départ».

John Yettaw «pourrait faire l'objet d'un certain marchandage», a-t-il dit, ajoutant: «Les (généraux) birmans essaieront de le monnayer d'une façon ou d'une autre, après lui avoir infligé une lourde peine. Il restera un peu en prison et, ensuite, il sera expulsé, mais les Birmans feront comprendre qu'ils attendent une contrepartie».

Ce diplomate a encore indiqué qu'il ne pensait pas que M. Webb puisse repartir de Birmanie avec M. Yettaw. «Les Birmans ne voudront pas perdre la face. L'expulsion interviendrait à un stade ultérieur. Sinon, (les généraux) donneraient l'impression de céder sur tout».

Selon l'analyste David Mathieson, de l'organisation Human Rights Watch, Than Shwe «appréciera certainement le passé militaire de M. Webb», mais il cherchera à tourner la visite «à son avantage».