Vexations, sévices corporels, menaces... Un rapport qui remonte à 2004, mais rendu public hier, révèle que la CIA ne reculait devant rien pour faire parler les présumés terroristes qu'elle détenait en Irak et en Afghanistan. Au courant de ce rapport, Barack Obama avait préféré tourner la page sur ces méthodes peu glorieuses pour plutôt préparer l'avenir. Or, le secrétaire américain à la Justice a annoncé hier qu'il ferait enquête, bien que la majorité des Américains ne souhaite vraisemblablement pas remuer toute cette boue. Chose certaine, le président ne peut plus faire l'économie d'une enquête qu'il aurait préféré éviter.

Le secrétaire américain à la Justice, Eric Holder, a annoncé qu'il rouvrait l'enquête sur les agents de la CIA qui ont utilisé des «techniques d'interrogation améliorées», que plusieurs assimilent à de la torture. Un rapport du bureau d'éthique du département de la Justice a dénoncé hier la décision prise l'hiver dernier de ne poursuivre aucun de ces agents, dont les agissements ont été détaillés dans un rapport datant de 2004 aussi rendu public hier.

 

La nouvelle est une tuile pour l'administration Obama, qui avait pesé de tout son poids dans la décision de ne pas poursuivre les agents. Un porte-parole du président, en vacances à Martha's Vineyard, a indiqué que la décision relevait exclusivement de Me Holder. «Le président pense qu'on doit regarder en avant, pas vers l'arrière», a indiqué le relationniste.

Le rapport de 2004 dévoilé hier, qui avait été signé par l'inspecteur général de la CIA, confirme plusieurs cas dévoilés au fil des ans par les médias. Il décrit en détail la technique de torture dite du waterboarding, noyade simulée à répétition qui peut durer une vingtaine de minutes, ainsi que d'autres «techniques d'interrogation améliorées». Le rapport de 150 pages, dont environ la moitié est censurée, fait aussi état de méthodes «non autorisées», comme menacer de violer la mère d'un détenu ou d'exécuter ses enfants, actionner une perceuse électrique devant un détenu nu et aveuglé par une cagoule ou encore simuler des exécutions.

Les hauts dirigeants ont affirmé au vérificateur général que plusieurs attentats avaient été évités - à l'aéroport Heathrow, sur des ponts de New York, sur des voies ferrées et des stations d'essence aux États-Unis -, mais le rapport indique qu'aucune preuve n'appuie leurs affirmations.

Le nouveau chef de la CIA, Leon Panetta, a immédiatement envoyé à ses employés une note interne dans laquelle il qualifie le rapport de 2004 d'«histoire ancienne». «L'utilisation de techniques d'interrogation améliorées a commencé quand notre pays réagissait aux horreurs du 11 septembre 2001 et s'est terminée en janvier», écrit M. Panetta.

Dans un communiqué, l'ONG Human Rights Watch, de son côté, a réclamé une «enquête criminelle complète sur les crimes»commis par la CIA.

Le rapport de 2004 confirme que les techniques de noyade simulée étaient plus dures que celles qui étaient utilisées par l'armée américaine dans son programme SERE, qui visait à préparer les soldats aux interrogatoires de l'ennemi. Les défenseurs de la CIA ont souvent avancé qu'il était légitime d'appliquer à des ennemis des techniques utilisées contre ses propres soldats dans le cadre de leur entraînement.

L'inspecteur général de la CIA a aussi décrit quelques mesures prises par l'agence de renseignement contre les agents ayant commis des excès. Un employé civil d'un sous-traitant militaire, qui a battu à mort un détenu pendant quatre jours en 2003 à la base d'Asabad, en Afghanistan, a été renvoyé et son employeur a vu son contrat révoqué. Un agent de la CIA qui, devant 200 élèves d'une école islamique, a frappé avec la crosse de son fusil un professeur qui souriait «de manière inappropriée»à ses questions, a été rapatrié et affecté à des dossiers intérieurs.