Un sordide cocktail de violences et de vidéos fait des ravages aux États-Unis aux dépens des itinérants, qui font l'objet d'expéditions punitives parfois mortelles, de bagarres organisées et de mises en scène d'actes humiliants.

En 2008, 106 itinérants ont été agressés gratuitement, dont 27 en sont morts, soit le chiffre le plus élevé depuis 2001, selon un rapport publié par la National Coalition for the Homeless (NCH).

Selon une autre association d'aide, la National Alliance to End Homelessness, près de 700 000 personnes dorment chaque nuit dans la rue ou en foyer aux États-Unis. Sur un an, on dénombre entre 2,5 et 3,5 millions de personnes qui ont subi ce sort au moins une fois.

«Les itinérants sont devenus une nouvelle minorité qu'il est toléré de haïr. Si cela arrivait à une autre minorité, il y aurait une protestation organisée», s'indigne Michael Stoops, directeur du NCH.

Sur le web, les vidéos dites de «bum fights» (combats de clochards) où l'on «casse» des itinérants pour «s'amuser» ou pour «le frisson», disent les auteurs, font florès.

En juillet, on comptait sur YouTube près de 86 000 vidéos dégradantes sur des itinérants, soit 15000 de plus qu'un an plus tôt, selon un décompte du NCH. Pas moins de 5 700 vidéos -1400 de plus qu'en avril 2008- évoquaient spécifiquement les «combats de clochards» où, pour un pack de bières et quelques dollars, des itinérants sont poussés à se battre entre eux pour l'amusement de ceux qui les filment et les regardent sur Internet.

En 2001, des vidéos mettant en scène des bagarres ou invitant des itinérants à sauter d'un étage dans un conteneur à ordures, ont lancé la tendance. Quelque 6,8 millions de ces vidéos éditées sur DVD ont été vendues depuis.

Certains acceptent de se prêter à des humiliations parce qu'«ils sont alcooliques, psychologiquement perturbés et qu'ils n'ont pas d'argent», explique Michael Stoops. «Et on leur donne 5 dollars ou un pack de bière pour être poussés dans un chariot de supermarché» comme dans une auto-tamponneuse, ajoute-t-il.

«C'est comme les combats de chiens, sauf que c'est avec des hommes», résume Andrew Davis, un ancien itinérants de 44 ans, interrogé dans un parc de Washington où une cinquantaine d'entre eux attendent la soupe populaire. Sur les 2859 itinérants officiellement comptabilisés dans la capitale, un tiers affirment avoir été victimes de violences.

«Dans une allée, certains payent les gars avec du crack, de l'héroïne, de l'herbe ou de l'alcool. Ils les paient pour se battre et ils parient sur la bagarre. Ils filment ça avec leur téléphone et le mettent sur YouTube», explique Andrew.

Dans la capitale, près du fameux hôtel Watergate, un clochard de 61 ans est décédé de coups de machettes à la tête la nuit de Noël. Une récompense de 25 000 dollars est offerte pour son assassin. En avril 2008, à Glen Burnie, une ville de banlieue près de Washington, un itinérant a été tué avec une batte de baseball par un jeune de 16 ans.

«Ceux qui font cela sont à 95% des hommes, souvent en dessous de 25 ans (73%), ils viennent de toutes les classes sociales et sont Blancs à 85%», affirme Michael Stoops.

Devant l'augmentation des violences, certains États, comme le Maryland ou le Maine, intègrent désormais les agressions contre des itinérants dans leurs lois contre les crimes racistes ou discriminatoires. Washington, la Californie et la Floride, l'État qui a connu le plus de violences avec une trentaine d'agressions d'itinérants, comptent faire de même.