Il semble de plus en plus probable que Guantanamo ne fermera pas en janvier comme prévu, victime d'un retard que des spécialistes attribuent essentiellement à la complexité de la tâche laissée par George W. Bush et qui ne doit pas cacher l'ampleur du chemin accompli.

Interrogé sur la date butoir du 22 janvier figurant sur le décret présidentiel qui ordonne la fermeture du camp, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a reconnu dimanche que «ça va être difficile».

Tenir cette date «va être plus compliqué que prévu» mais un retard «ne devrait pas poser de problème», tant que «on a un plan solide montrant qu'on avance dans cette direction», a-t-il ajouté.

Sur les quelque 800 hommes qui sont passés par Guantanamo, 223 sont encore aujourd'hui détenus dans ses geôles. Parmi eux, environ 80 attendent d'être rapatriés ou accueillis par un pays tiers et une grosse soixantaine sont susceptibles d'être traduits en justice. L'administration n'a toujours pas décidé ce que deviendraient les autres, considérés comme trop dangereux pour être relâchés.

En arrivant à la Maison Blanche, Barack Obama, qui avait fait de la fermeture de la prison ouverte par George W. Bush pour enfermer les suspects de terrorisme une promesse de campagne, a trouvé une situation plus complexe qu'attendu.

Des dizaines de milliers de pages de documents éparpillés, des détenus à qui on a extorqué des informations sous la contrainte, absence d'accord diplomatique avec le Yémen alors qu'une centaine de détenus sont originaires de ce pays... Les obstacles sont apparus un à un.

«Nous sommes tous prêts à reconnaître que c'est un projet difficile: l'administration précédente a renvoyé quelque 500 prisonniers chez eux ou ailleurs sans aucun examen de leur dossier, la nouvelle administration ne fait pas ça», déclare à l'AFP Denny LeBoeuf, de la puissante Association américaine de défense des libertés civiles (Aclu).

«L'administration est en train de découvrir que les Etats-Unis auraient dû engager des discussions diplomatiques bien avant l'élection de M. Obama, elle en paye le prix aujourd'hui», renchérit Vincent Warren, directeur du Centre pour les droits constitutionnels, dont les avocats défendent des dizaines de détenus.

Tous deux insistent sur le fait que «l'administration a travaillé dur pour tenir la date».

Mais elle a mis plusieurs mois à se mettre au travail, explique à l'AFP Sarah Mendelson, du Center for strategic and international studies (CSIS).

Néanmoins, «les choses sont plus avancées que fin mai», avant que le Congrès ralentisse le travail de l'administration en imposant quinze jours de délai pour chaque départ de détenu, six semaines si la destination est les Etats-Unis, affirme-t-elle.

Une échéance a ainsi été fixée à la mi-novembre pour dire où sera jugé chaque détenu, devant un tribunal de droit commun ou un tribunal militaire d'exception. Le groupe de travail chargé de passer en revue la totalité des dossiers doit en outre avoir terminé courant octobre.

La perspective d'un lieu de détention unique sur le sol américain pour l'ensemble des prisonniers semble en outre sur le point d'être abandonnée.

Le représentant républicain Pete Hoekstra a ainsi affirmé dans un communiqué avoir «reçu des informations selon lesquelles l'administration Obama ne prévoit plus d'abriter des détenus de Guantanamo dans la prison de Standish au Michigan» (nord), qui avait été retenue dans un premier temps.

«Ce serait déplacer Guantanamo, pas le fermer, je pense qu'ils s'en sont rendu compte et je doute qu'ils aillent dans cette direction», estime Mme Mendelson.