La Cour suprême des États-Unis va se pencher pour la première fois depuis l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche sur la question des détenus de Guantanamo, à qui elle a toujours donné raison depuis 2004 contre son prédécesseur George W. Bush.

La plus haute juridiction des Etats-Unis a accepté mardi de se saisir de la requête déposée par des Chinois ouïghours emprisonnés à Guantanamo depuis près de huit ans bien que blanchis depuis des années de tout fait de terrorisme et qui demandent à être libérés sur le sol américain.

C'est la quatrième fois qu'elle décide de se prononcer sur les limites légales de la «guerre contre le terrorisme» entamée par George W. Bush au lendemain des attentats du 11-Septembre et dont Guantanamo est devenu le symbole le plus controversé.

En 2004, 2006 et 2008, elle a opposé de cinglants revers au prédécesseur de M. Obama, offrant notamment aux détenus le droit constitutionnel de contester leur détention devant la justice américaine de droit commun.

Mais cette fois les neuf sages sont apparus plus hésitants. Contre toute tradition, ils ont laissé passer six mois entre le dépôt de la requête et leur prise de décision.

«La plupart des gens pensent que c'est parce qu'ils voulaient donner au gouvernement du temps (...) mais ils semblent avoir perdu patience», s'est réjoui auprès de l'AFP Sabin Willet avocat de plusieurs plaignants.

Le président Obama a ordonné au lendemain de sa prise de fonction la fermeture de la prison d'ici janvier 2010.

Mais l'entreprise s'est révélée une telle gageure que la fermeture a été reportée.

Il reste aujourd'hui 221 prisonniers à Guantanamo. Parmi eux, le gouvernement souhaite en libérer plus de 70, mais doit pour cela trouver des pays tiers d'accueil pour ceux d'entre eux qui refusent de retourner dans leur pays d'origine où ils craignent des persécutions.

C'est le cas des 13 Chinois ouïghours, minorité musulmane et turcophone du nord-ouest de la Chine, qui ont déposé leur requête devant la Cour suprême.

Blanchis pour la plupart depuis 2004, ces hommes ont obtenu en octobre 2008 d'un tribunal fédéral le droit d'être libérés sur le sol américain, à Washington où vit une communauté ouïghoure, dont la leader en exil de cette minorité, Rebiya Kadeer.

Mais en février, ce jugement a été cassé en appel. Dans les mois qui ont suivi, le Congrès a interdit la libération du moindre détenu de Guantanamo sur le sol américain.

Les 13 Ouïghours demandent à la Cour de décider si un tribunal fédéral a «le pouvoir d'ordonner la libération de prisonniers détenus par l'exécutif depuis sept ans, alors que cette détention est illimitée et non autorisée par la loi et que la libération sur le sol américain est la seule solution possible».

«Nous espérons que (cette) décision permettra que des Ouïghours s'installent aux USA», a déclaré à l'AFP Alim Seytoff, secrétaire général de l'association américaine de Ouïghours.

Si la Cour suprême leur donnait raison, elle pourrait gêner les projets du président Obama de maintenir certains détenus de Guantanamo dans un régime de détention illimitée, sans procès.

«Ce qui était jusqu'ici une question de choix politiques, intérieurs et extérieurs, pourrait devenir une question de ce que la Constitution autorise», estime le spécialiste de la Cour suprême Lyle Denniston sur son blog, en notant que d'autres dossiers pourraient suivre.