En 2004, le gouverneur du Texas, Rick Perry, a autorisé l'exécution de Cameron Todd Willingham, jugé coupable d'avoir allumé un incendie ayant tué ses propres enfants. Des experts affirment aujourd'hui que l'homme était innocent. Un détail que le gouverneur fait tout pour enterrer, note notre correspondant.

L'incendie s'est déclaré au petit matin, deux jours avant Noël. Cameron Todd Willingham, 23 ans, était couché dans sa chambre quand il a été réveillé par «une chaleur intense, et une odeur de câbles brûlés».

Il a enfilé un jeans et est allé au salon. La fumée était si épaisse qu'il a dû ramper, vers la chambre où dormaient ses trois enfants, les jumelles Karmon et Kameron, âgées de 1 an, et Amber, 2 ans. Brûlé au visage et incapable de respirer, il a dû faire demi-tour.

Ce matin-là, une voisine a entendu les cris d'un homme dans le quartier. Elle a vu M. Willingham, pieds nus, devant sa maison en flammes.

«Il criait: «Mes bébés sont en train de brûler!» s'est-elle souvenue. Il avait l'air désemparé, comme devenu fou.»

Les pompiers sont arrivés 10 minutes plus tard. Ils ont maîtrisé les flammes. M. Willingham a été retenu par les policiers, qui lui ont passé les menottes, tellement il était agité. Aucun des enfants n'a survécu.

Le lendemain, des enquêteurs ont visité la maison, un petit bungalow situé à Corsicana, au Texas. Ils ont remarqué que l'incendie avait laissé des motifs étranges sur le plancher de la cuisine et du salon. Des traces d'accélérant ont été trouvées devant la maison. M. Willingham, qui avait des problèmes d'alcool et que les voisins avaient déjà entendu battre sa femme, a été accusé d'avoir mis feu à sa propre maison pour tuer ses enfants.

Au bout d'un procès de deux jours, il a été reconnu coupable et condamné à la peine capitale. Cameron Todd Willingham a été exécuté 12 ans plus tard, le 17 février 2004, après que le gouverneur du Texas, Rick Perry, eut refusé de revoir son dossier, comme le demandaient des militants et experts en incendies qui doutaient de la validité de l'enquête.

Avant de mourir, M. Willingham a fait une dernière déclaration: «Je suis un homme innocent condamné pour un crime que je n'ai pas commis. J'ai été persécuté pendant 12 ans pour une chose que je n'ai pas faite.»

Changement de garde

Plus tôt ce mois-ci, le gouverneur Perry a surpris tout le monde en renvoyant le président de la Commission de science légale du Texas, le remplaçant par un allié politique. Les travaux ont été suspendus jusqu'à nouvel ordre.

Instance administrative obscure, la Commission était sur le point de recevoir un rapport rédigé par le directeur de l'Association internationale pour la prévention des incendies, Craig Beyler, embauché pour une tâche précise: établir les faits dans l'incendie de la maison de Willingham.

Son enquête, dont des extraits ont filtré dans les médias, montre que l'hypothèse d'un incendie criminel «n'est pas scientifiquement soutenue par les faits».

«Les techniques utilisées par les enquêteurs pour déterminer la cause de l'incendie relèvent de la pensée magique», écrit M. Beyler.

Les traces d'accélérant trouvées devant la maison, dit-il, proviennent tout simplement du barbecue, qui a été renversé et aspergé d'eau par les pompiers durant l'incendie.

Le geste de Perry a été vivement critiqué par sa rivale, la sénatrice démocrate Bailey Hutchison, selon qui le gouverneur donne l'impression de vouloir enterrer l'affaire. «Le gouverneur est en train de politiser le dossier», a-t-elle dit.

L'enjeu est de taille: jamais un prisonnier exécuté aux États-Unis n'a par la suite été reconnu innocent.

M. Perry, lui, affirme que Willingham était «un monstre», et se dit victime d'un coup monté. «Je comprends que les opposants à la peine de mort veuillent faire valoir leur point de vue, mais ils ont mal choisi leur porte-étendard.» Depuis plusieurs semaines, CNN cherche à interviewer le gouverneur sur cette affaire. À ce jour, la demande est restée lettre morte.