En faisant une mauvaise lecture du conflit israélo-palestinien, l'administration Obama a dilapidé une partie importante de son prestige au Proche-Orient, où elle promettait une «paix durable».

Le président américain et sa secrétaire d'État ont essuyé des refus à chacune de leurs demandes. Israël a dit non à un arrêt total de la colonisation juive en Cisjordanie. Les pays arabes ont dit non à des mesures vers une normalisation avec l'État hébreu. Et les Palestiniens ont dit non à une reprise immédiate des négociations de paix avec les Israéliens après l'étrange sortie d'Hillary Clinton, qui a jugé «sans précédent» samedi dernier l'offre du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou d'un gel partiel des colonies.

 

«Les petites tribus - les Israéliens, les Arabes et les Palestiniens - ont dit non à la grande puissance sans avoir à en payer le prix ou en subir les conséquences. Et c'est une situation inconfortable pour une grande puissance», déclare Aaron David Miller, ancien négociateur américain au Proche-Orient sous cinq secrétaires d'État.

Les mots «cafouillage», «dérapage» et «gaffe» ont été employés pour qualifier la sortie d'Hillary Clinton à Jérusalem. Selon Miller, la secrétaire d'État américaine n'avait pas tort sur le fond. En consentant à limiter l'expansion des colonies aux 3000 logements déjà autorisés par son gouvernement, le premier ministre Nétanyahou a vraiment fait une offre «sans précédent».

Mais, après avoir réclamé pendant des mois un gel de la colonisation, Hillary Clinton ne pouvait se vanter d'une telle promesse sans consterner les Palestiniens et leurs alliés arabes. Le lendemain, elle a tenté de rassurer ces derniers en affirmant que les États-Unis considéraient toujours les implantations israéliennes en Cisjordanie comme étant illégitimes. Mais le mal était fait.

La secrétaire d'État doit sans doute porter une part du blâme pour le désarroi dans lequel se trouve l'administration Obama au Proche-Orient. Après avoir confié les négociations à un émissaire spécial, George Mitchell, elle s'est immiscée la semaine dernière dans ce dossier avec la subtilité d'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Résultat: le processus de paix entre Israël et les Palestiniens, l'une des principales priorités de politique étrangère de l'administration américaine, est au point mort.

Mais Barack Obama est celui qui a donné le ton et l'orientation à la politique américaine au Proche-Orient. Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas est le premier dirigeant étranger qu'il a appelé au téléphone après son investiture, un signal de sa volonté de se démarquer de l'approche franchement pro-israélienne de l'administration Bush. Et le nouveau président en a remis à ce chapitre en réclamant le gel total des activités de colonisation, un point sur lequel il a insisté lors de son fameux discours au Caire.

Or, il était illusoire d'espérer que le gouvernement israélien se plie à cette demande, selon Aaron David Miller, qui voit dans la stratégie d'Obama l'illustration de sa méconnaissance du dossier israélo-palestinien.

«Il a été conditionné à croire que les activités de colonisation représentent l'obstacle principal à un accord de paix. Ce ne l'est pas, dit Miller. L'obstacle principal à la paix est l'absence d'un accord sur le statut de Jérusalem, les frontières et les réfugiés.»

Et quelles sont les chances d'en arriver un jour à une entente sur ces questions? Même avant les cafouillages américains des derniers jours, Aaron David Miller les considérait minces ou inexistantes. «L'administration Obama fait face à un défi colossal», dit-il.

 

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Le ras-le-bol d'Abbas

Passera-t-il de la parole au geste? C'est la question que tous les observateurs du Proche-Orient se posaient au lendemain de l'annonce du président palestinien Mahmoud Abbas de ne pas se représenter aux élections. Car ce n'était pas la première fois qu'il brandissait une telle menace. Pour l'heure, Abbas reste en poste au moins jusqu'au 24 janvier, date des élections générales palestiniennes. Or, comme ce rendez-vous électoral pourrait être repoussé, il pourrait continuer à occuper la présidence de l'Autorité palestinienne encore plus longtemps. Son annonce ne se veut pas moins un message clair à l'endroit des États-Unis, qui ont consterné les Palestiniens en leur demandant de reprendre les négociations de paix avec Israël sans avoir obtenu au préalable un gel de la colonisation juive.