Washington a renvoyé dans leur pays douze détenus de Guantanamo, notamment au Yémen et en Somalie, des transferts qui constituent un nouveau pas vers la fermeture de la prison, mais pourraient en inquiéter certains alors que ces pays sont soupçonnés d'abriter Al-Qaïda.

Les Etats-Unis ont renvoyé six prisonniers yéménites, quatre Afghans et deux Somaliens, vers leur pays d'origine ce week-end, a annoncé dimanche le ministère américain de la Justice dans un communiqué.

«Ces transferts se sont déroulés dans le cadre d'accords individuels conclus entre les Etats-Unis et les autorités de chacun des pays concernés et dans le respect des mesures de sécurité idoines», a commenté le ministère.

Le renvoi de ces détenus est le dernier transfert en date d'une longue série visant à vider peu à peu la prison américaine controversée, située sur l'île de Cuba.

Sur les 198 détenus toujours à Guantanamo, une centaine doivent être relâchés ou extradés vers leur pays d'origine ou des pays tiers.

Les autres devraient être transférés aux Etats-Unis pour y être jugés ou enfermés indéfiniment.

Le président Obama a ordonné la fermeture définitive de Guantanamo, symbole des années Bush, en janvier 2010, mais l'administration a déjà reconnu qu'elle ne parviendrait pas à tenir ce délai. Elle a néanmoins annoncé mardi l'acquisition d'une prison de l'Illinois (nord) afin d'y accueillir certains prisonniers.

Le transfert de six Yéménites constitue une importante avancée vers la fermeture du pénitencier, dont près de la moitié des détenus sont originaires du Yémen.

Sanaa s'est félicité de cette décision dimanche.

«Le Yémen continuera de dialoguer avec les Etats-Unis en vue de rapatrier les prisonniers yéménites restants», a indiqué l'ambassade du Yémen à Washington dans un communiqué.

Depuis l'ouverture de Guantanamo en 2002, 15 Yéménites ont été renvoyés dans leur pays. Mais l'administration américaine hésitait jusqu'à présent à réitérer l'expérience, craignant que les autorités locales n'aient pas les moyens de les empêcher de rejoindre des groupes extrémistes.

Aujourd'hui, l'administration confesse en coulisses n'avoir guère le choix.

Mais ces transferts risquent d'être attaqués par la droite américaine, qui juge risqué de rapatrier des hommes un temps soupçonnés de terrorisme dans un pays aussi instable et considéré comme un sanctuaire d'Al-Qaïda.

Réagissant il y a quelques jours à la perspective de ces rapatriements, le représentant républicain Frank Wolf a relayé ses inquiétudes.

«Arrêtez. Ces hommes sont dangereux. Je pense qu'ils se livreront à des actions terroristes qui coûteront la vie à des Américains», a-t-il déclaré.

Selon un responsable yéménite à Washington, les anciens détenus ne seront pas immédiatement libérés, et feront l'objet d'une procédure judiciaire qui décidera de leur sort.

La Somalie, d'où sont originaires deux des détenus transférés par Washington, est également une source d'inquiétude. Les shebab, qui se réclament ouvertement d'Al-Qaïda, y combattent les forces du gouvernement transitoire et contrôlent la plus grande partie du sud et du centre du pays.

«Al-Qaïda se sent de moins en moins à l'aise au Pakistan» et «nous avons la preuve qu'ils sont en train de se déplacer, du moins une partie d'entre eux, vers le Yémen et la Somalie», estime le conseiller à la sécurité nationale du président Obama, James Jones.

Les deux Somaliens transférés ce week-end seront toutefois accueillis par le Somaliland, une région semi-autonome du nord de la Somalie, qui bénéficie pour sa part d'une relative tranquillité.