À 19h jeudi, veille de Noël, le Sénat des États-Unis devrait offrir à Barack Obama un cadeau considérable : l'adoption d'une réforme du système de santé qui prévoit notamment d'étendre la couverture médicale à 31 des 36 millions d'Américains qui n'en ont pas encore et de réduire le déficit budgétaire du pays.

Le Sénat a ouvert la voie à ce vote final dans la nuit de dimanche à hier en réunissant les 60 voix requises pour empêcher la minorité républicaine de faire obstacle à la ratification de l'ambitieuse réforme, pièce maîtresse du programme de Barack Obama.

Le président américain a salué hier ce premier vote du Sénat qui a mis fin, par 60 voix contre 40, à un débat acrimonieux sur le texte de loi de 2700 pages.

«Le Sénat a empêché le blocage d'un vote final sur la réforme de l'assurance maladie et obtenu une grande victoire pour les Américains», a déclaré Barack Obama lors d'une allocution à la Maison-Blanche.

«En résistant aux groupes de pression qui ont empêché la réforme pendant des décennies et qui essaient encore de l'influencer à l'heure actuelle, le Sénat s'est rapproché d'une réforme qui va faire une grande différence pour les familles, les personnes âgées, les entreprises et le pays tout entier.»

Le projet de loi du Sénat devra être harmonisé au début de l'année prochaine avec celui que la Chambre des représentants a adopté le 7 novembre. Les deux assemblées devront ensuite se prononcer séparément sur un texte final.

Pas de Waterloo, mais...

Les républicains souhaitaient que la réforme du système de santé devienne le Waterloo de Barack Obama, le grand chantier sur lequel le président se casserait les dents, comme tant de ses prédécesseurs, de Harry Truman à Bill Clinton. Or, le vote du Sénat semble écarter un tel scénario.

Mais la victoire revendiquée par le président n'est pas aussi éclatante qu'elle aurait pu l'être. Plusieurs militants démocrates ont exprimé leur déception ou leur colère à la suite d'ententes conclues pour gagner l'appui de certains sénateurs centristes ou conservateurs, tels Joe Lieberman du Connecticut et Ben Nelson du Nebraska.

Le sénateur Lieberman a obtenu l'élimination de deux mesures chères aux démocrates progressistes : la création d'un régime d'assurance santé public qui aurait concurrencé les assureurs privés et l'extension aux Américains âgés de 55 à 64 ans du programme Medicare destiné aux personnes âgées.

Le sénateur Nelson a pour sa part réussi à négocier un amendement visant à interdire l'utilisation de fonds publics pour financer des avortements.

Le débat acrimonieux sur la réforme de la santé a également contribué à faire chuter la popularité du président au sein du public. Selon un sondage diffusé hier par CNN/Opinion Research, 56% des Américains s'opposent à l'adoption du projet de loi du Sénat contre 42% qui l'approuvent. La réforme a toutefois gagné six points par rapport à un sondage réalisé au début du mois de décembre.

Les républicains ont continué hier à dénoncer le texte du Sénat, le qualifiant de «monstruosité» qui entraînera une augmentation des primes d'assurance, une réduction des soins aux personnes âgées et une explosion du déficit.

«Les républicains n'ont jamais été invités à participer aux négociations», s'est plaint l'ex-candidat présidentiel John McCain, accusant du même souffle les démocrates de s'être livrés à des «entourloupettes à la Bernie Madoff».

Les grandes lignes de la réforme

En tout état de cause, le projet de réforme du Sénat, dont le coût est estimé à 871 milliards de dollars sur 10 ans, entraînera des changements majeurs. Pour la première fois, les Américains seront tenus de souscrire une assurance maladie, sous peine d'une amende. Des subventions publiques seront offertes à ceux qui en ont besoin et un marché concurrentiel plus transparent sera mis en place pour comparer les offres des assureurs privés.

Des allègements fiscaux seront également offerts aux entreprises de 50 employés et plus pour les inciter à offrir une couverture médicale à leur personnel.

La réforme du Sénat élargit par ailleurs le champ du programme Medicaid destiné aux pauvres et interdit aux compagnies d'assurances de refuser une police à une personne ayant des antécédents médicaux.

L'objectif de la réforme consistait non seulement à faire chuter le nombre d'Américains sans assurance maladie, mais également à réduire les coûts de la santé et à améliorer la qualité des soins.

Selon le Bureau du budget du Congrès, le texte du Sénat réduirait le déficit américain de 132 milliards de dollars sur 10 ans, notamment en mettant un frein à la croissance du programme Medicare. La réforme serait en partie financée par de nouveaux impôts pour les individus gagnant plus de 200 000 $ par année.

Deux autres votes de procédure doivent être tenus au Sénat, aujourd'hui et demain, avant l'adoption finale du projet de loi. Aucun républicain, pas même la sénatrice du Maine Olympia Snowe, à qui la Maison-Blanche a fait une cour assidue, ne devrait voter en faveur du texte.