Le projet de réforme de la santé du président Theodore Roosevelt s'est évanoui avec les élections en 1912. Celui de Harry Truman, en 1945, n'a pu survivre aux négociations du Congrès. Le scandale du Watergate, en 1974, a fait dérailler celui de Richard Nixon, qui semblait pourtant en voie d'être accepté au Congrès. Et la réforme de Bill Clinton, en 1994, s'est cassé les dents au Sénat.

Qu'en sera-t-il de la réforme de la santé de Barack Obama? Si le Sénat vote en faveur de la réforme jeudi soir - et tout indique qu'il le fera -, le projet de loi si cher aux démocrates pourrait être adopté avant la fin du mois de janvier 2010.

 

Mais le document qui aboutira finalement sur le bureau d'Obama sera moins ambitieux que le président ne l'avait espéré au départ. La Chambre des représentants - formée d'élus des 50 États, nommés pour deux ans, et dont le nombre de sièges est proportionnel à la population de chaque État - a adopté son projet de réforme le 7 novembre. Celui-ci comprend notamment «l'option publique», soit une assurance maladie publique qui concurrencerait les assurances privées pour offrir une couverture plus abordable.

Mais cette «option publique» était carrément inacceptable pour trop de membres du Sénat pour espérer que cette idée survive à leur examen du projet de loi.

Deux projets à fusionner

Les membres du Sénat américain, Chambre haute formée de deux élus par État nommés pour des mandats de six ans, «sont généralement plus conservateurs et moins influencés par l'opinion publique, note Pierre Martin, politologue à l'Université de Montréal. Sa composition favorise les États plus petits, réputés républicains.»

Surtout, le Sénat «a tendance à être moins rigide dans ses règles de débat», dit M. Martin. Les sénateurs insatisfaits peuvent faire traîner un débat en longueur indéfiniment pour voir un projet de loi mis de côté, une procédure appelée filibuster. Mais une telle opération peut être empêchée si 60 sénateurs votent en faveur d'une clôture des débats et d'un vote.

Hier, les 58 sénateurs démocrates et les 2 sénateurs indépendants qui se sont ralliés au projet de loi ont clos le débat. Le vote final par le Sénat devrait être pris jeudi soir.

Il y aura donc, pour Noël, deux projets de loi aux portes du Congrès américain, formé de la Chambre des représentants et du Sénat. Un nouveau comité, composé de membres des deux Chambres, aura donc la tâche délicate de fusionner les deux projets avant de les soumettre à nouveau à un vote.

Dilué ou pas?

La fameuse «option publique» pourrait-elle se retrouver dans la version définitive? Les experts en doutent fort. «Ce serait extraordinairement peu probable qu'elle y soit», dit Pierre Martin. Pour garder la cohésion des 60 sénateurs qui se sont entendus sur le projet, le projet final ressemblera vraisemblablement au projet qui sera adopté par le Sénat jeudi.

Certains membres de la Chambre des représentants pourraient donc repousser le projet de réforme dilué proposé par les sénateurs, mais les leaders démocrates s'assureront que cette opposition ne fera pas capoter l'adoption par la Chambre basse à la toute dernière étape, dit Pierre Martin.

Une promulgation du projet de loi par Barack Obama avant son discours sur l'état de l'Union, à la fin du mois de janvier, est donc possible. Hier, le président a félicité les sénateurs d'avoir «empêché le blocage d'un vote final sur la réforme de l'assurance maladie et obtenu une grande victoire pour les Américains».

 

Deux projets pour une réforme

Outre l'élimination d'une caisse d'assurance publique, le projet de loi du Sénat protège moins d'Américains que celui de la Chambre des représentants, soit 31 millions au lieu de 36 millions. En vertu de la législation du Sénat, les avortements ne seront pas payés par des fonds publics et les immigrants illégaux ne seront pas couverts.

Selon le Bureau du budget du Congrès (CBO), le projet de loi réduirait le déficit de 132 milliards de dollars sur 10 ans, notamment en réalisant des économies sur des dispositifs tels que Medicare. Et les assureurs ne pourraient plus refuser d'offrir une couverture sous prétexte de problèmes de santé préexistants d'un Américain souhaitant être assuré.