À quinze jours de la date butoir fixée initialement pour sa fermeture, le centre de détention de Guantanamo est encore bien ouvert et l'arrêt des rapatriements vers le Yémen risque de ralentir encore davantage le processus, même si ses prisonniers finissent par déménager.

Le président américain Barack Obama a assuré mardi que son administration ne renverrait plus de Yéménites dans leur pays, en attendant que celui-ci sorte de la «situation confuse» dans laquelle il est plongé, en référence aux violences attribuées à la branche d'Al-Qaeda dans la région.

Le Yémen aurait également servi de base de départ au jeune Nigérian qui a tenté de faire exploser un avion américain en vol le jour de Noël.

Une trentaine de détenus yéménites que l'administration américaine juge inutile de garder enfermés sont donc priés d'attendre encore avant d'être peut-être un jour renvoyés dans leur pays.

Mi-décembre pourtant, pour la première fois depuis des années, l'administration avait rapatrié 6 des 97 Yéménites de Guantanamo -qui compte aujourd'hui 198 détenus. Cette nationalité est la mieux représentée dans la prison ouverte par l'ancien président américain George W. Bush le 11 janvier 2002 avec près de la moitié des prisonniers.

Mais Washington ne se satisfaisait pas des garanties apportées par Sanaa quant à la surveillance des anciens détenus. En privé, l'administration ne s'est jamais cachée que la conclusion d'un accord satisfaisant avec le Yémen était le plus grand défi à relever pour parvenir à fermer Guantanamo. Voire qu'en l'absence d'accord, la fermeture pourrait être simplement compromise.

Depuis huit ans, 9 Yéménites seulement avaient été renvoyés de Guantanamo vers leur pays.

«L'arrêt des rapatriements de Yéménites va ralentir le délai dans lequel Guantanamo va être fermé et pourrait avoir des conséquences sur la manière dont le camp va fermer», estime Matthew Waxman, ancien haut responsable au Pentagone aujourd'hui expert au Center of foreign relations (CFR).

«L'administration est réticente à faire venir des détenus sur le sol américain pour les détenir indéfiniment sans procès mais pour beaucoup de Yéménites, elle n'a plus guère d'autre choix», explique-t-il à l'AFP.

Des hommes vont rester en prison, «pas à cause de ce qu'ils ont fait mais par peur de qui ils pourraient rencontrer dans les rues du Yémen», commente Dalhia Lithwick dans le magazine en ligne Slate. «Des prisonniers peuvent rester indéfiniment enfermés non pas parce qu'ils ont connu un terroriste mais parce qu'ils pourraient en rencontrer un, un jour».

De fait, pour Sarah Mendelson, experte au Center for strategic and international studies (CSIS) interrogée par l'AFP, trouver une solution au problème yéménite de Guantanamo «serait un moyen très concret d'éviter la détention illimitée».

Si physiquement la prison de Guantanamo est vidée, elle craint que le principe de l'emprisonnement sans procès, qui stigmatisaient la plupart des critiques contre l'administration Bush, ne soit que déplacé sur le sol américain.

«Pour rétablir l'État de droit et renouer des liens détruits avec les alliés des États-Unis, l'administration doit s'engager à amener le nombre de prisonniers détenus sans charge à zéro», plaide l'organisation de défense des droits de l'homme Human rights First.

Jusqu'ici, l'administration a annoncé qu'elle entendait libérer et renvoyer 104 des 198 détenus restant, dans leur pays ou dans des pays tiers. Elle prévoit en traduire quelques dizaines en justice.

Le président américain a déjà annoncé que les autres, jugés trop dangereux pour être relâchés mais contre lesquels il n'existe pas suffisamment d'éléments à charge, seraient maintenus indéfiniment en détention.