Le lendemain de l'attentat manqué du 25 décembre contre un avion américain, Barack Obama n'a fait aucune déclaration publique, préférant aller jouer au golf après avoir reçu un rapport matinal de ses experts sur cette affaire. Avant de mettre fin à ses vacances hawaïennes, il devait compléter cinq autres rondes de golf et voir le film Avatar avec ses filles.

Le message était clair: malgré le battage médiatique autour de la tentative d'attentat et les critiques républicaines sur son approche vis-à-vis du terrorisme, le président démocrate n'allait pas se conformer au scénario habituel, qui lui dictait de rentrer à Washington et de tenir une conférence de presse flanqué de son ministre de la Justice et de sa secrétaire à la Sécurité intérieure. Il lui importait davantage de projeter l'image d'un leader calme qui se fie à ses collaborateurs pour se tenir au courant des plus récents développements. Pas question de céder à la panique, de hausser le ton ou de bomber le torse face à un terroriste incompétent envoyé par Al-Qaeda avec des explosifs dissimulés dans ses sous-vêtements.

De toute évidence, il s'est passé quelque chose entre la réaction initiale du chef de la Maison-Blanche et celle qui a suivi son retour à Washington, le 4 janvier. Le calme et le mutisme qu'il avait affichés dans les jours qui ont suivi l'incident du jour de Noël ont fait place à une colère et à un mea-culpa très publics. Ce changement d'attitude n'est sans doute pas étranger aux révélations gênantes sur les nombreuses failles du système dont les conséquences auraient pu être catastrophiques. Comme le président l'a dit à plus d'une reprise la semaine dernière, le gouvernement américain possédait suffisamment d'informations sur Umar Farouk Abdulmutallab pour l'empêcher de monter à bord du vol 235 de la Northwest.

La liste partielle des informations ignorées est troublante. En mai 2009, Londres avait rejeté une demande de visa du Nigérian. En août 2009, les renseignements américains avaient intercepté des communications d'Al-Qaeda au Yémen évoquant l'utilisation d'un Nigérian dans un complot. À la même époque, ils avaient appris qu'Abadulmutallab avait séjourné au Yémen, où il avait rejoint des extrémistes. Et ils savaient que le père du suspect, un banquier respecté dans son pays, avait contacté l'ambassade américaine à Abuja pour partager son inquiétude à propos de la radicalisation de son fils.

«Il est de plus en plus clair que les renseignements n'ont pas été totalement analysés. Ce n'est pas acceptable et je ne le tolérerai plus», a déclaré le président, sermonnant ainsi les services de sécurité après une rencontre à la Maison-Blanche avec une vingtaine de responsables.

Deux jours plus tard, tout en annonçant une série de réformes du renseignement et de la sécurité aérienne, il endossait la responsabilité du ratage de ses services. «Quand le système échoue, je suis responsable», a-t-il déclaré.

Mais les failles du système n'expliquent pas à elles seules le changement de ton du président. Le contexte politique l'a également forcé à réagir de façon plus vigoureuse. Dès le lendemain de l'attentat manqué, les républicains ont dénoncé son approche antiterroriste en général et sa réponse à l'incident du 25 décembre en particulier. L'ex-vice-président Dick Cheney a donné le ton en critiquant notamment la décision de l'administration Obama de juger Abdulmutallab devant un tribunal de droit commun plutôt que militaire.

«Il semble penser que s'il donne aux terroristes les mêmes droits qu'aux Américains, s'il ferme Guantanamo et en libère les terroristes d'Al-Qaeda les plus endurcis, nous ne serons pas en guerre. Mais nous sommes en guerre, et quand le président Obama affirme le contraire, nous sommes moins en sécurité», a-t-il confié à un journaliste de Politico.

Ce n'était évidemment pas la première fois que les républicains tentaient de faire passer Obama et les démocrates pour laxistes sur le terrorisme. Ils devraient d'ailleurs continuer à utiliser cette tactique à l'approche des élections de mi-mandat, qui auront lieu en novembre.

Or, comme s'il reconnaissait cette vulnérabilité, Barack Obama a ressorti à deux reprises la semaine dernière une expression qu'il n'avait pas utilisée depuis son discours d'assermentation dans le contexte de la lutte antiterroriste.

«Nous sommes en guerre», a-t-il déclaré jeudi à la Maison-Blanche. «Nous sommes en guerre contre Al-Qaeda, un réseau de haine et de violence de grande envergure.»

Deux jours plus tôt, le président avait également annoncé la suspension des renvois des détenus de Guantanamo vers le Yémen ainsi que le renforcement des contrôles des passagers de 14 pays, dont 13 sont majoritairement musulmans.

Barack Obama avait peut-être l'intention d'inaugurer une nouvelle façon de réagir aux tentatives d'attentats terroristes. Mais ce changement, comme plusieurs autres, devra probablement attendre.