Le 11 janvier 2002, 20 hommes faits prisonniers par les troupes américaines en Afghanistan débarquaient à la prison de Guantánamo, à Cuba. Huit ans plus tard, près de 200 détenus, dont le Canadien Omar Khadr, sont toujours à Guantánamo, une épine au pied du président Obama.

Que sont devenus les 550 détenus libérés de Guantánamo au fil des ans? La vaste majorité d'entre eux ont repris leur vie, à tout jamais marquée par les années passées en détention dans la tristement célèbre prison américaine.

 

Pour un ex-détenu sur cinq, par contre, les États-Unis sont devenus l'ennemi à abattre. Environ 20% des prisonniers libérés de Guantánamo retrouvent une vie de militantisme antiaméricain ou de terrorisme, selon le Pentagone.

Le plus connu d'entre eux, le Saoudien Saeed Ali Shahri, réfugié au Yémen, est devenu le numéro 2 d'Al-Qaeda dans la péninsule arabique. Ce groupe a revendiqué l'attentat raté du vol 253 de Northwest Airlines dans le ciel de Detroit durant les Fêtes.

Cela vient compliquer la tâche de l'administration Obama, qui prévoyait renvoyer chez eux de 40 à 50 détenus yéménites, soit près de 50% des détenus restants, dans les prochaines semaines. Obama a annoncé l'arrêt du processus.

Une source officielle au département d'État, citée anonymement par Time Magazine, explique le malaise du gouvernement: «Nous regardons le Yémen et nous nous disons: bon Dieu, ça ne sent pas bon. Normalement, quand on renvoie des détenus à un gouvernement compétent, il garde un oeil sur eux. Au Yémen, le gouvernement n'a pas cette capacité. Nous ferions preuve de négligence si nous choisissions de passer outre.»

Le porte-parole de la Maison-Blanche, lui, se veut rassurant: «Nous n'avons jamais pensé transférer quiconque dans son pays d'origine ou dans un pays tiers si nous avions des raisons de croire qu'il y aurait des problèmes de sécurité pour nous ou pour ce pays», a expliqué Robert Gibbs la semaine dernière.

Le chiffre de 20%, dévoilé à certains médias américains par le Pentagone, fait sourciller les groupes de défense des doits de l'homme, selon qui ces statistiques sont à prendre avec un grain de sel.

«Je suis sceptique, a dit Marc Falkoff, un avocat qui défend plusieurs prisonniers détenus à Guantánamo. Le gouvernement ne dit pas qui sont les récidivistes ou ce qu'ils ont fait de mal.»

Problème pour Obama

À son arrivée à la Maison-Blanche, Barack Obama avait promis de fermer la prison de Guantánamo avant le 22 janvier 2010. Or, le président a dû revoir ses plans, et il refuse aujourd'hui de donner une date pour la fermeture de la prison.

Le plus récent objectif de l'administration est d'envoyer les prisonniers restants dans un pénitencier de Thompson, en Illinois, où le gouvernement fédéral planifie d'acheter une prison d'État sous-utilisée.

Aussi, cette année, cinq des détenus de Guantánamo accusés d'avoir planifié les attentats du 11 septembre 2001 seront jugés en cour fédérale à New York.

L'attentat raté du temps des Fêtes et les tergiversations au sujet de Guantánamo ne semblent pas nuire à l'image du président Obama. Un sondage dévoilé hier par CNN montre que les deux tiers des Américains font confiance ou très confiance au président pour ce qui est de la sécurité nationale.

Grève de la faim

Pendant ce temps, des groupes en faveur de la fermeture de la prison de Guantánamo ont manifesté hier devant la Maison-Blanche. Habillées de combinaisons orange comme celles des prisonniers, une cinquantaine de personnes ont défilé en silence, la tête couverte d'une cagoule.

Les organisateurs ont dit que 50 personnes allaient faire une grève de la faim jusqu'au 22 janvier, date à laquelle le président Obama avait promis de fermer Guantánamo, mais que le gouvernement n'entend plus respecter.

 

GUANTANAMO EN CHIFFRES :

Nombre de prisonniers : 198

Nombre de prisonniers provenant du Yémen : 90

Nombre de détenus transférés ou libérés : 550

Détenus transférés ou libérés sous Obama : 42

Nombre de décès : 6

Taux de récidive des ex-détenus : 20%

Sources : ABC News, Pentagone.