La fin de son discours d'investiture, avec son allusion à une capitale «abandonnée» et à une neige «tachée de sang», contrastait avec l'euphorie de la foule immense à laquelle il s'adressait. Des marches du Capitole à Washington, le 44e président des États-Unis invitait ses compatriotes à se rappeler les mots de George Washington au peuple américain, «au moment où l'issue de notre révolution était la plus incertaine».

«Je lance un appel à l'Amérique, a dit Barack Obama. Confrontés à des dangers communs, pendant cet hiver d'épreuves, rappelons-nous ces paroles intemporelles.»

 

Un an plus tard, l'euphorie des Américains n'est plus qu'un lointain souvenir, ayant été remplacée par une déception palpable à l'égard du président démocrate, comme l'atteste sa cote de popularité qui, de 70% en janvier 2009, est tombée à environ 50% d'opinions favorables.

Et l'hiver d'épreuves ne semble pas être sur le point de prendre fin, même si quelques-uns des dangers communs auxquels faisaient face les Américains il y a un an ont perdu de leur acuité. Ainsi, le soutien de l'État a contribué à la sortie de crise du secteur bancaire. Et le plan de relance économique de 787 milliards de dollars a permis aux États-Unis d'éviter une nouvelle «grande dépression». Bravo Barack Obama?

Pas vraiment. Malgré certains succès, le public américain demeure insatisfait de sa gestion de l'économie, à en juger par les sondages. La récession a peut-être pris fin, mais le chômage reste élevé. Dans un tel contexte, les nouveaux profits de Wall Street ne font qu'alimenter le mécontentement populaire vis-à-vis du locataire de la Maison-Blanche, dont les conseillers économiques sont souvent accusés d'être trop proches des milieux financiers.

L'électorat américain est également mécontent de la façon dont Barack Obama a géré la réforme du système de santé, le plus important chantier de sa présidence. Avant de quitter Washington pour ses vacances de Noël, le président avait salué le vote «historique» du Sénat sur un texte de loi qui «nous rapproche de la fin d'une bataille de près d'un siècle».

Le projet du Sénat vise notamment à donner une couverture médicale à 31 des 36 millions d'Américains qui en sont dépourvus. Cette réforme, si elle était promulguée, pourrait faire de Barack Obama le président le plus important en matière de politique intérieure depuis Lyndon Johnson. Mais il faut se demander si les Américains, fragilisés par la récession et troublés par l'explosion de la dette publique, étaient prêts à suivre leur président dans une réforme de cette envergure.

La réponse des républicains ne fait pas de doute, comme l'a démontré Scott Brown, candidat du Grand Old Party à l'élection partielle tenue hier au Massachusetts pour élire un successeur au défunt sénateur Edward Kennedy. Pendant toute la durée de sa campagne, Brown a rappelé qu'il pourrait, en devenant le 41e sénateur républicain, faire obstacle à la réforme du système de santé. Son message a galvanisé les militants conservateurs et séduit plusieurs électeurs indépendants.

Les militants progressistes, de leur côté, semblent avoir perdu le feu sacré. Plusieurs d'entre eux sont déçus des compromis auxquels le président démocrate a consenti pour obtenir les votes des démocrates conservateurs ou des républicains modérés du Congrès. Leur déception ne porte pas seulement sur la question de la santé, mais également sur la réforme du secteur financier et le dossier du climat.

Électrisés par les discours électoraux de Barack Obama, ses partisans les plus fougueux n'avaient pas compris que leur président choisirait d'agir par consensus. Ils n'étaient pas prêts non plus aux lenteurs du système politique américain de l'équilibre des pouvoirs, qui force parfois le président à négocier avec le Congrès, même lorsque son parti est majoritaire.

Barack Obama a également déçu certains partisans en admettant son impuissance à fermer la prison de Guantánamo le 22 janvier 2010, comme il l'avait promis, et en donnant le feu vert à une escalade militaire en Afghanistan.

Il est évidemment trop tôt pour porter un jugement sur la stratégie afghane du président démocrate ou sur sa politique sur la scène internationale, où il n'a que planté le décor. Une chose est cependant certaine: l'obamanie qui a déferlé sur une partie du monde le 20 janvier 2009 n'est qu'un souvenir lointain.