Qui a enfreint l'étiquette mercredi soir dans l'enceinte du Congrès américain? Le président Barack Obama ou le juge de la Cour suprême Samuel Alito? Dans la foulée du premier discours d'Obama sur l'état de l'Union, il faut ajouter cette question à celles qui divisent Washington ces jours-ci.

Le président a déclenché cette affaire en dénonçant l'arrêt rendu par la Cour suprême la semaine dernière, qui lève toutes les limites au financement des campagnes électorales par les entreprises. Il a notamment affirmé que cette décision allait à l'encontre d'«un siècle de jurisprudence».

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En réaction, le juge Alito, assis dans la deuxième rangée de l'enceinte avec cinq collègues de la Cour suprême, a secoué la tête et a semblé répéter les mots «not true» (pas vrai), selon un extrait vidéo du discours qui s'est vite retrouvé sur l'internet.

Cette réaction du magistrat conservateur rappelle, en beaucoup plus discret, celle du représentant républicain de Caroline-du-Sud, Joe Wilson, qui s'était écrié «Vous mentez!» lors d'un discours prononcé au même endroit par Barack Obama au mois de septembre.

Violer le protocole

L'avocat et blogueur Glenn Greenwald fait partie des commentateurs progressistes qui ont accusé le juge Alito d'avoir violé le protocole et miné la crédibilité de la Cour suprême.

«Il y a une raison pour laquelle les juges de la Cour suprême, comme les chefs d'état-major, n'applaudissent jamais ou n'expriment aucune réaction pendant le discours sur l'état de l'Union. Il est vital, tant sur le plan de la perception que de la réalité, que ces institutions demeurent apolitiques, séparées et détachées des guerres partisanes», a écrit Greenwald sur son blogue.

À l'opposé, le sénateur républicain de l'Utah, Orrin Hatch, a déploré l'attaque frontale du président contre les juges de la Cour suprême, qu'il a qualifiée d'«impolie».

«C'est une chose de dire qu'il n'est pas d'accord avec la Cour, mais c'en est une autre de traiter la question de façon démagogique quand les juges sont assis devant vous par respect pour votre position», a déclaré le sénateur au Salt Lake Tribune.

Ne pas être d'accord

Mais, au-delà de la question protocolaire, qui donc avait raison sur le fond de l'affaire? Obama ou Alito? Linda Greenhouse, qui a couvert la Cour suprême pendant plusieurs années pour le New York Times, a penché du côté du juge conservateur. Le Congrès a bel et bien adopté au début du XXe siècle une loi qui interdit le financement direct des campagnes électorales par les entreprises, a-t-elle rappelé. «Mais cette loi est toujours en vigueur et ne faisait pas partie de la cause tranchée par la Cour suprême la semaine dernière», a-t-elle soutenu.

Et que pense la Maison-Blanche de la controverse? La réponse est venue d'un de ses porte-parole, Bill Burton. «L'une des choses formidables de notre démocratie est que des membres influents du gouvernement, à tous les échelons, peuvent ne pas être d'accord, en public et en privé», a-t-il dit.