Kariana, 3 ans, mène une existence solitaire dans le foyer pour sans-abri new-yorkais où ses parents ont dû s'installer il y a quelques mois. Mais la fillette est loin d'être seule puisqu'ils sont environ 16000 enfants à connaître la même situation dans la métropole américaine.

Le nombre des sans-domicile fixe a explosé à New York en raison de la crise économique et la moitié de ces nouveaux laissés pour compte ont moins de 18 ans. Tremblant de froid devant les portes de son foyer du quartier de Brooklyn, Karen Diaz, la mère de Kariana, raconte qu'elle est sans-abri depuis son arrivée il y a 3 mois et demi de Porto Rico, avec son mari, Kariana et son autre fille, âgée de 6 ans.

«On ne comptait rester que 10 jours et trouver un meilleur endroit mais le temps est passé vite,» déplore la jeune femme de 24 ans devant le centre d'accueil, un ex-hôpital rebaptisé «Foyer familial Auburn».

Karen y dépeint des conditions de vie difficiles, évoquant la nourriture sans goût, les sanitaires collectifs «répugnants», les lits superposés dans la pièce familiale ou encore la cohabitation avec d'autres résidents «inquiétants».

«Il n'y a pas d'amis pour mes filles ici. Il y a beaucoup de malades,» continue Karen. «Nous restons entre nous».

Avec 10% de chômage, des loyers exorbitants et des températures bien en dessous de zéro à New York, la famille Diaz est plutôt chanceuse d'avoir un toit, en attendant que Pedro, le père, trouve un emploi de vigile.

Selon Robert Hess, commissaire aux sans-abri, un nombre record de personnes sans logement profite de la garantie d'hébergement offerte par la ville.

«Du fait du terrible repli de l'économie, certainement le pire que nous ayons connu à New York, nous voyons un nombre sans précédent de familles avec enfants arriver dans nos foyers,» dit-il à l'AFP, assurant que «la capacité d'accueil a été augmentée en conséquence».

Les statistiques de janvier font état de 37.487 sans-abri, dont 15.853 enfants.

Ce constat alarmant se double cependant d'une amélioration. Grâce à l'accroissement du nombre de foyers, le nombre de SDF dans les rues a chuté. Des chiffres officiels mentionnent une baisse de 47% de leur nombre depuis 2005 et de 30% depuis 2008.

La population au sein des foyers évolue également, le temps moyen des séjours ayant diminué.

«Il fut un temps où certains restaient près d'un an, maintenant c'est autour de huit mois et demi», explique Robert Hess.

Mais les travailleurs sociaux et les sans-abri dressent un tableau plus sombre de New York: celui d'une ville baignée d'argent et gérée par un maire milliardaire, Michael Bloomberg, incapable de trouver une solution alors qu'il avait promis en 2004 de réduire en cinq ans des deux-tiers le nombre de sans-abri.

En attendant, les intéressés se disent victimes d'une bureaucratie tatillonne.

Dorian Muller, qui travaille dans un foyer de Brooklyn, raconte que l'établissement ne peut garder les occupants plus de six mois sous peine de voir son budget restreint par la municipalité.

«Un foyer est un accueil d'urgence, pas une maison», explique le commissaire aux sans-abri.

Maria Walles, qui vit par intermittence dans des foyers avec son mari et sa fille, a rejoint un petit nombre de sans-abri la semaine dernière pour manifester devant les bureaux de Bruce Ratner, un important promoteur immobilier.

Ce dernier a prévu de détruire un foyer à Brooklyn pour laisser la place à un complexe sportif. Le bâtiment, qui abritait 80 familles, a fermé le 15 janvier.

«Cette décision est une grave erreur», s'indigne Maria. «Pourquoi fermer un refuge en plein hiver?»