Il y a moins de deux ans, Charlie Crist, gouverneur de Floride, était une superstar au sein du Parti républicain. Les candidats présidentiels de cette formation politique se pressaient à sa porte pour obtenir son appui et les électeurs de son État applaudissaient à tout rompre sa gestion depuis son arrivée au pouvoir, en janvier 2007.

Aujourd'hui, Charlie Crist est un paria aux yeux de plusieurs républicains, dont Dick Cheney et Rudolph Giuliani, un revirement spectaculaire qui pourrait le conduire à annoncer demain ou vendredi sa décision de quitter son parti afin de briguer un siège au Sénat des États-Unis à titre d'indépendant. À l'heure actuelle, il accuse un retard de plus de 20 points sur Marco Rubio, son principal adversaire dans la course à l'investiture républicaine pour l'élection sénatoriale de novembre en Floride. Une course qu'il dominait par 30 points après avoir annoncé sa candidature en mai 2009 !

La chute de ce politicien au teint bronzé et à la personnalité avenante n'intéresse pas seulement la Floride, où elle a pris l'allure d'un feuilleton irrésistible. Elle suscite également l'intérêt de la presse nationale, qui y voit une illustration de la radicalisation du Parti républicain.

Charlie Crist pourrait-il répéter en Floride l'exploit de Joseph Lieberman, qui a remporté la course sénatoriale de novembre 2006 au Connecticut à titre d'indépendant après avoir été rejeté par le Parti démocrate ?

«Ce serait difficile, mais pas impossible», répond Susan MacManus, politologue à l'université South Florida, lors d'un entretien téléphonique. «Pour l'emporter comme indépendant, il devrait convaincre de 30 à 40 % d'électeurs républicains et autant de démocrates à voter pour lui, en plus de faire très bien auprès des indépendants, qui représentent un quart de l'électorat en Floride. Tout dépend de sa capacité à rassembler ces groupes d'électeurs au sein d'une nouvelle coalition.»

Au moins un sondage, publié le 15 avril, donne le gouverneur Crist gagnant (par deux points) dans une course à trois contre Rubio, ex-président de la Chambre des représentants de Floride, et le candidat probable du Parti démocrate, Kendrick Meek.

Le début du déclin de Charlie Crist pourrait bien remonter au 10 février 2009. Ce jour-là, le gouverneur républicain de Floride n'a pas seulement donné l'accolade à Barack Obama lors d'un rassemblement à Fort Myers. Il a également annoncé son appui au programme de relance économique du président démocrate.

Malgré ce rapprochement avec l'ennemi, le gouverneur a reçu l'appui de l'establishment républicain lorsqu'il a déclaré sa candidature au Sénat. Aux yeux des bonzes de son parti, son centrisme et sa modération devaient être des atouts en Floride, où Barack Obama a devancé John McCain en 2008. Mais plusieurs militants républicains de cet État, fortement influencés par le mouvement Tea Party, ont tourné le dos au gouverneur, préférant les certitudes conservatrices de Marco Rubio.

Le gouverneur Crist s'est aliéné encore plus de républicains il y a deux semaines en opposant son veto à un projet de loi cher aux conservateurs qui aurait mis fin à la sécurité d'emploi des enseignants des écoles publiques de Floride. Une semaine plus tard, Dick Cheney a annoncé son soutien à Marco Rubion, emboîtant le pas des Rudolph Giuliani, Mitt Romney et Newt Gingrich.

«Charlie Crist a démontré tant et plus qu'on ne pouvait se fier à lui pour combattre le programme d'Obama parce qu'il a appuyé ce programme dossier après dossier», a déclaré l'ancien-vice président dans un communiqué. «Ces jours-ci, on ne peut même pas avoir confiance que Charlie Crist demeure un républicain. Je l'encourage fortement à rester dans la primaire républicaine ou à abandonner la course. Les seuls gagnants d'une candidature indépendante de la part de Crist seraient Barack Obama et Harry Reid (chef de la majorité démocrate au Sénat).»