La technique utilisée pour boucher le puits de pétrole situé à plus de 1,5 km de profondeur dans le golfe du Mexique, appelée top kill, est jugée hautement périlleuse.

Il s'agit de pomper, par les tuyaux de l'obturateur d'urgence (la valve de sécurité qui régule la pression du puits), un fluide de forage à base d'argile et de baryte (appelé mud en anglais, soit littéralement «boue») deux fois plus dense que l'eau. Le poids du fluide empêche le gaz naturel et le pétrole de jaillir du puits. C'est l'enlèvement de ce fluide, préalable à la fermeture temporaire du puits avec un bouchon de ciment, qui avait causé le pic de pression fatal le 20 avril dernier et provoqué une explosion sur la plateforme de forage Deepwater Horizon.

«Dans une situation normale, la technique fonctionne bien», explique Anil Kulkarni, ingénieur en mécanique de l'Université d'État de Pennsylvanie et spécialiste des forages sous-marins. «Elle a été utilisée au Koweït après la première guerre du Golfe pour éteindre les puits que l'armée irakienne avait sabotés. On l'a aussi utilisée ailleurs, mais à des profondeurs beaucoup plus faibles. Le danger, cette fois-ci, c'est que la pression de l'eau soit trop forte. La pression du fluide de forage pourrait s'additionner à celle de l'eau et des hydrocarbures et provoquer une rupture supplémentaire de l'infrastructure. Le flot de pétrole pourrait augmenter au lieu de s'arrêter.»

À cette profondeur, la pression de l'eau est 150 fois plus importante que la pression atmosphérique. Le tuyau qui s'enfonce dans le puits, qui fait 25 cm de diamètre et s'élève à plus de 5 m au-dessus des fonds marins, pourrait avoir été affaibli par le pic de pression du 20 avril. Pour compliquer le tout, selon le Wall Street Journal, la firme Halliburton, qui était responsable de l'injection de ciment pour sceller le puits, avait prévenu BP que le tuyau n'était pas suffisamment centré dans la tête du puits, qui fait près de 1 m de diamètre.

L'opération ne devrait durer qu'un ou deux jours, et BP est prête à interrompre à tout moment le pompage du fluide de forage s'il sort par l'orifice du puits ou si le flot de pétrole se remet à augmenter. En cas de problème, les ingénieurs pourraient introduire par les tuyaux de l'obturateur d'urgence des matériaux solides, comme des morceaux de pneus ou des balles de golf, afin de créer des bouchons plus solides dans le tuyau et plus de résistance au flot de pétrole.