En jetant leur dévolu sur Barack Obama lors de l'élection présidentielle de 2008, les États-Unis ont aboli ce qui semblait être la plus haute des barrières raciales ou sociales. Or, il faut se demander si la Caroline-du-Sud, un des États américains les plus conservateurs, n'est pas en voie de réaliser une première encore plus remarquable: élire en novembre au poste de gouverneur une candidate indo-américaine élevée dans la religion sikhe qui a été accusée d'adultère deux fois plutôt qu'une au cours des dernières semaines.

Le phénomène en question, Nikki Haley, née Nimrata Nikki Randhawa il y a 38 ans à Bamberg, une ville de Caroline-du-Sud, a d'excellentes chances de remporter demain l'investiture républicaine en vue de cette élection dont elle serait favorite en raison de son appartenance au parti le plus populaire de son État. La plupart des observateurs semblent avoir besoin de se pincer pour se convaincre qu'ils ne rêvent pas.

«Je suis très surprise», dit Laura Woliver, directrice adjointe du programme d'études féminines à l'Université de Caroline-du-Sud. «Cela me fait penser à l'histoire de Bobby Jindal en Louisiane, avec en supplément le facteur du sexe», ajoute-t-elle en faisant référence au premier politicien d'origine indienne à se faire élire au poste de gouverneur d'un État américain.

«Ce sera un grand changement», dit de son côté David Woodard, politologue à l'Université Clemson et coauteur d'un livre avec Jim DeMint, sénateur très conservateur de Caroline-du-Sud. «Mais le facteur ethnique est moins important que le facteur du sexe. La Caroline-du-Sud est l'État américain qui compte le moins de femmes parmi ses élus. Le fait que Nikki Haley ait autant de succès tranche avec l'histoire de l'État.»

Comment cette comptable de profession, dont le père porte le turban, en est-elle arrivée là? Après avoir travaillé pour l'entreprise familiale et s'être mariée à Michael Haley, un chrétien rencontré à l'Université Clemson avec lequel elle a eu deux enfants, Nikki Haley a entrepris sa carrière politique en se faisant élire à la Chambre basse de Caroline-du-Sud en 2004.

Au fil des ans, elle est devenue une alliée du gouverneur républicain Mark Sanford, dont elle a épousé le discours libertarien en faveur d'un État minimal. Cette approche, combinée avec un aplomb et une éloquence incontestables, a fait d'elle la favorite des militants du Tea Party de Caroline-du-Sud et lui a permis de passer de la quatrième à la première place dans les sondages parmi les quatre candidats engagés dans la course à l'investiture républicaine pour le poste de gouverneur de l'État.

C'est alors que Will Folks, ex-porte-parole du gouverneur Sanford devenu blogueur, a lancé la première accusation d'adultère contre Nikki Haley, affirmant avoir eu une liaison «déplacée» avec la candidate. Un lobbyiste ayant travaillé pour un rival de Haley lui a emboîté le pas en prétendant également avoir couché avec celle-ci.

Nikki Haley a vigoureusement nié ces allégations. Et, après avoir reçu l'appui de Sarah Palin et de Mitt Romney, deux candidats potentiels à la présidence en 2012, elle a fini en tête lors de la primaire républicaine du 8 juin avec 49% des voix contre 22% pour son plus proche rival, le représentant Gresham Barrett.

Les deux candidats s'affronteront demain dans un deuxième tour.

«De toute évidence, les électeurs n'ont pas accordé beaucoup de crédibilité aux allégations des accusateurs de Nikki Haley, dit David Woodard, politologue de l'Université Clemson. En fait, selon un de mes sondages, seulement 15% d'entre eux y ont cru.»

Nikki Haley a également dû faire face au racisme qui persiste au sein même de son parti. «Nous avons déjà une tête enturbannée à la Maison-Blanche, nous n'en avons pas besoin d'une autre à la maison du gouverneur», a déclaré un élu républicain au Sénat de Caroline-du-Sud.

Et la candidate doit répondre aux questions persistantes des journalistes et des électeurs sur sa religion. Elle dit avoir abandonné la foi sikhe de son père pour embrasser la religion méthodiste de son mari. Certains de ses adversaires ont mis en doute la sincérité de sa conversion.