Un échange d'espions sans précédent depuis la fin de la Guerre froide s'est achevé vendredi à l'aéroport de Vienne où les Etats-Unis ont remis à la Russie ses dix agents contre quatre Russes, dont trois condamnés pour espionnage au profit des Occidentaux.

Dans un final digne de la Guerre froide, l'échange est intervenu sur le tarmac de l'aéroport de Vienne.

L'avion transportant les espions russes expulsés des Etats-Unis dans la nuit a atterri vendredi à 13H46 GMT à Moscou, tandis que celui transportant les agents accusés de travailler pour les Occidentaux s'est posé à Washington vers 21H30 GMT.

On ne savait pas dans l'immédiat combien de personnes se trouvaient à bord de l'appareil qui s'est posé à Washington, celui-ci ayant fait, selon des médias britanniques, une courte escale sur la base Brize Norton de la Royal Air Force, à Oxfordshire, dans le sud de l'Angleterre. Le Foreign Office s'est abstenu de tout commentaire.

«Les Etats-Unis ont transféré avec succès dix agents russes à la Fédération de Russie et la Fédération de Russie a libéré quatre individus qui avaient été incarcérés en Russie», a indiqué vendredi le ministère de la Justice américain.

Selon différents témoins à l'aéroport de Vienne, les agents secrets ont été transférés d'un appareil à l'autre à bord d'un petit car de couleur noire aux vitres teintées.

Dans une mise en scène soigneusement calibrée, le positionnement même de l'avion venu de New York empêchait photographes et caméramans présents de voir la porte de l'appareil.

Jeudi, les dix agents arrêtés fin juin sur le sol américain avaient plaidé coupable devant le tribunal fédéral de New York et la juge Kimba Wood avait annoncé leur «expulsion immédiate» des Etats-Unis. «Ils acceptent de ne jamais tenter de revenir», avait-elle ajouté.

De son côté, le président russe Dmitri Medvedev a signé dans la nuit de jeudi à vendredi la grâce pour les quatre Russes.

Un porte-parole de la Maison Blanche a confirmé vendredi que l'échange avait été négocié au plus haut niveau entre les chefs des services de renseignement extérieur russe et américain. Il a par ailleurs révélé que la Maison Blanche avait été informée de l'existence du réseau d'espions russes dès le mois de février et que le président américain Barack Obama avait été personnellement mis au courant des détails de l'affaire le 11 juin.

Parmi les dix personnes expulsées vers la Russie se trouve la figure emblématique de cette affaire, Anna Chapman, dont les photos intimes et les détails sur sa vie sexuelle ont fasciné les médias.

Les quatre Russes libérés ont été identifiés comme Igor Soutiaguine, un expert russe en armement stratégique condamné à 15 ans de prison pour espionnage au profit des Etats-Unis, Sergueï Skripal, un ex-colonel du renseignement militaire condamné à 13 ans de détention pour avoir travaillé avec les services britanniques, et un ex-responsable du SVR (renseignement extérieur russe), Alexandre Zaporojski condamné à 18 ans de camp pour avoir transmis des informations à la CIA.

Le quatrième, Guennadi Vassilenko, est un ancien agent du KGB reconverti dans la sécurité privée. Officiellement, il a été condamné en 2006 à trois ans de prison pour des délits sans rapport avec l'univers du renseignement.

Un haut responsable américain a souligné, sous couvert de l'anonymat, que les quatre personnes «n'avaient eu d'autre choix» que de signer des aveux pour obtenir leur libération.

Moscou a souligné que l'échange a pu avoir lieu en raison de l'amélioration récente des relations russo-américaines.

Il s'agit du premier échange d'espions entre les deux pays depuis la Guerre froide. A l'époque, les échanges se faisaient notamment sur le pont de Glienicke reliant Berlin-Ouest à l'Allemagne de l'Est.

Vienne, plate-forme d'agents secrets internationaux dès le 19e siècle, sous l'Empire Austro-Hongrois et après son éclatement suite à la Première guerre mondiale, est longtemps restée la «capitale des espions».