Les services de sécurité nationale américains mis en place après les attentats du 11 septembre 2001 sont devenus si tentaculaires, secrets et inextricables qu'il est impossible d'en connaître avec précision l'efficacité, selon une vaste enquête publiée lundi par le Washington Post.

L'enquête, intitulée «L'Amérique top secrète», «ne montre pas les services de renseignement tels que nous les connaissons», a réagi David Gompert, directeur (intérimaire) du renseignement national américain (DNI) dans un communiqué.

L'article est le fruit de deux ans de travail auquel ont participé une vingtaine de journalistes du prestigieux quotidien américain, à l'origine du scoop du Watergate qui avait entraîné la démission du président Richard Nixon en 1974.

L'enquête affirme que neuf ans après les attentats qui ont fait près de 3.000 morts, «le monde top secret que le gouvernement a enfanté (...) est devenu si vaste, difficile à manoeuvrer et secret que personne ne sait combien il coûte, combien de personnes il emploie, combien de programmes existent ni combien de services différents effectuent la même tâche».

Le travail du Washington Post est publié en trois parties jusqu'à mercredi et son premier volet est consacré à l'organisation de ces services.

Le quotidien note que 1 271 agences gouvernementales et 1 931 compagnies privées, réparties sur 10 000 sites à travers les Etats-Unis, travaillent sur le renseignement.

Le dispositif emploie près de 854 000 personnes, qui disposent d'accès à des informations secrètes, et 33 bâtiments ont été construits ou sont en cours de construction rien que dans l'agglomération de la capitale Washington.

Le Washington Post observe aussi que 51 organisations fédérales situées dans 15 villes différentes sont chargées de surveiller la circulation des fonds des réseaux terroristes.

«Il y a probablement des redondances et des problèmes d'organisation», a reconnu le Pentagone. «Mais il faut rappeler dans le même temps qu'il n'y a pas eu d'attentat majeur aux Etats-Unis depuis le 11-Septembre», a-t-il néanmoins relevé.

L'énorme machine de renseignement américaine produit des rapports en si grand nombre -quelque 50 000 par an- que «beaucoup d'entre eux sont tout simplement ignorés».

Quelques heures après la publication de l'enquête, le renseignement américain s'est fendu de deux documents: l'un censé tordre le cou aux «mythes» entourant le renseignement, l'autre sous forme de questions-réponses.

«Pourquoi tant de services font-ils la même chose?», peut-on ainsi lire.

«Ce qui peut sembler être redondant en termes d'analyses est, dans bien des cas, de la superposition délibérée», assure le DNI.

Mais le Post rappelle qu'en raison de ces errements, le renseignement américain n'est pas parvenu à anticiper l'attentat raté sur un vol Amsterdam-Detroit le jour de Noël ou la tuerie de Fort Hood, au Texas, qui a fait 13 morts en novembre.

«La réponse aux menaces à la sécurité des Etats-Unis ne viendra pas d'un renseignement (organisé) en vaste bureaucratie», a estimé lundi le républicain Pete Hoekstra responsable de l'opposition à la commission du renseignement de la Chambre des représentants.

L'enquête du Washington Post est également disponible dans une version enrichie de nombreux graphiques interactifs sur internet.

Le quotidien explique qu'en raison de la nature sensible du sujet, des responsables du gouvernement américain ont été autorisés à avoir accès à l'enquête avant sa publication et que certaines informations ont été retirées.