Les discussions enflammées autour du projet de mosquée près de Ground Zero ont-elles créé un climat haineux à New York? C'est la question que se posent actuellement plusieurs New-Yorkais. Car un chauffeur de taxi musulman vient d'être violemment agressé à coups de couteau, en plein coeur de Manhattan. Et il affirme avoir été attaqué en raison de sa religion, nous explique notre collaborateur.

Pour le chauffeur de taxi Ahmed Sharif, il n'y a aucun doute.

«Bien sûr que j'ai été attaqué à cause de ma religion», a-t-il dit hier après-midi devant l'hôtel de ville, où il a rencontré le maire Michael Bloomberg.

«Il (l'agresseur) m'a attaqué après avoir appris que j'étais musulman.»

Arborant une importante cicatrice au bras droit et d'autres, plus discrètes, au visage, au cou et à la main, Ahmed Sharif a expliqué que Michael Enright, un étudiant de 21 ans, l'avait agressé après lui avoir demandé s'il était musulman.

«Il a fait des blagues sur le ramadan et tout ça», a raconté M. Sharif.

Encore ébranlé, le chauffeur de taxi n'a pris la parole que pendant quelques instants, entouré d'une soixantaine d'autres chauffeurs et de représentants d'associations de défense des musulmans.

Plus tôt dans la journée, Jason Martin, l'avocat de l'assaillant, accusé de crime haineux, a de son côté assuré que l'attaque n'avait aucune connotation raciste.

Documentaire en Afghanistan

Selon les médias, l'agression est survenue vers 18h mardi soir sur la 3e Avenue, dans le centre de l'île de Manhattan.

Après avoir posé quelques questions au chauffeur originaire du Bangladesh, le jeune étudiant en arts visuels aurait sorti un couteau et frappé sa victime à plusieurs reprises à travers la lucarne percée dans la cloison qui sépare les passagers du chauffeur dans les taxis new-yorkais.

Selon la police, Michael Enright était en état d'ébriété et incohérent au moment de son arrestation, au point où on l'a conduit dans un hôpital psychiatrique pour évaluation.

Selon plusieurs publications, l'étudiant avait fait récemment un séjour de cinq semaines en Afghanistan, où il avait intégré un peloton militaire américain dans le cadre d'un projet de documentaire.

Étonnamment, Michael Enright a également été bénévole par le passé dans un groupe qui fait la promotion du dialogue interreligieux. Ce groupe est connu à New York pour avoir défendu le controversé projet de centre communautaire musulman et de mosquée à proximité de Ground Zero.

Insultes

Questionné pour savoir si les débats enflammés autour de ce projet peuvent avoir un rapport avec l'agression, le chauffeur de taxi a répondu par la négative. «Nous n'avons pas parlé de la mosquée», a-t-il dit. Le père de quatre enfants, qui vit dans Queens, a d'ailleurs assuré au New York Times qu'il est lui-même contre le projet.

Toutefois, Bhairavi Desai, représentant de l'Alliance des chauffeurs de taxi - qui compte près de 50% de musulmans dans ses rangs -, croit que les manchettes quasi quotidiennes et les rumeurs qui circulent sur le sujet ont créé un climat de peur et de haine.

Aliya Latif, du Conseil des relations américano-islamiques (CAIRE), a pour sa part déclaré que plusieurs incidents à caractère apparemment raciste avaient eu lieu dans les derniers jours. Mercredi, un homme aurait notamment proféré des insultes dans une mosquée de Queens avant d'uriner sur des tapis de prière.

Le maire de New York, qui a vertement critiqué l'attaque, a refusé de spéculer sur le rôle qu'auraient pu jouer les discussions entourant le projet de mosquée. «Je n'étais pas dans le taxi», a dit le maire Bloomberg.

Avant de prendre congé, Ahmed Sharif s'est dit encore sous le choc.

«J'ai encore la vision du couteau quand je ferme les yeux», a-t-il affirmé.