En 2009, il y a eu 88 097 viols recensés aux États-Unis, selon les statistiques du FBI mais il s'agit toujours de l'un des crimes les moins dénoncés et les moins punis, selon victimes, associations et policiers interrogés mardi au Congrès.

«Il est de notoriété publique que le viol est l'un des crimes les moins rapportés aux Etats-Unis. On estime, de façon empirique, que pas plus de 15% à 20% des cas sont portés devant la police», a affirmé Michelle Dempsey, professeur de droit à l'Université de Villanova lors d'une audition devant la Commission judiciaire du Sénat.

Selon une enquête sur la violence contre les femmes, une femme sur six est agressée sexuellement dans sa vie aux Etats-Unis et la moitié des victimes ont moins de 18 ans.

Seuls 5% des violeurs sont reconnus coupables et 3% vont en prison, a pour sa part relevé Eleanor Smeal, présidente de la Feminist Majority Foundation. «En résumé: 15 violeurs sur 16 restent libres», affirme l'association Rape, Abuse and Incest National Network. Pourtant le viol est le crime le plus grave après le meurtre dans le classement de la police fédérale (FBI).

Une définition caduque du viol, la peur des victimes de ne pas être crues, la confrontation à des interrogatoires humiliants ainsi qu'à une force policière parfois dubitative et incompétente sont autant de raisons pour que la grande majorité des viols demeurent impunis, ont témoigné victimes et associations.

Au regard de la définition des crimes par le FBI qui remonte à 1927, ne sont pas reconnus comme des viols («forcible rape»): les actes d'inceste, de viol par sodomie --donc de viol masculin--, de viol avec un objet même s'il y a blessure et de viol oral.

«La définition étroite et caduque du viol dans l'Uniform Crime Report revient à minimiser le nombre de viols réels», a dénoncé la Feminist Majority Foundation. Le nombre de viols se compte en outre au vu du nombre des victimes et pas des violeurs.

Par ailleurs, «la vaste majorité des victimes d'agressions sexuelles ne les dénoncent pas à la police parce qu'elles craignent de ne pas être prises au sérieux ou qu'on les rendra responsables de leur agression», a souligné Carol Tracy, directrice de l'association Women's law Project de Philadelphie.

C'est ce qu'a raconté devant un auditoire tétanisé, la jeune Sara Reedy, 25 ans aujourd'hui. Agressée à 19 ans par un violeur en série dans un magasin où elle travaillait, elle fut accusée par le policier en charge de l'enquête d'avoir volé dans la caisse et affabulé.

Elle fera cinq jours de prison, s'acquittera d'une caution de 5000 dollars, sera poursuivie pour vol avant que l'arrestation fortuite, des mois plus tard, de son agresseur ne fasse tomber les charges à son encontre.

Interrogée mardi sur le sort du policier par des sénateurs incrédules, elle leur a appris, de l'amertume dans la voix, qu'il était toujours en poste.

A l'inverse, un autre témoin, Julie Weil, kidnappée et violée devant ses enfants en 2002, a raconté combien la chance d'avoir été soutenue par une équipe d'enquêteurs à l'écoute l'avait aidée à cicatriser les blessures malgré un procès et des interrogatoires souvent décrits comme «une deuxième victimisation».

«Juste après le procès j'ai réalisé que le concept de "mettre un terme" n'était pas un mythe», a-t-elle témoigné. «Voir ce violeur conduit en prison menottes aux mains a été plus gratifiant que je ne l'aurais jamais imaginé», a-t-elle ajouté. Le violeur en série a été condamné à plusieurs peines de prison à vie.