Bill Clinton est passé par là, de même que George W. Bush. Le premier a pâti de l'expérience, alors que le deuxième en est sorti grandi, du moins pour un temps. Et voici que Barack Obama voit à son tour sa présidence faire l'objet d'un livre de Bob Woodward, le célèbre journaliste américain à qui le Tout-Washington se confie.

Intitulé Obama's Wars (Les guerres d'Obama), le 16e livre de Woodward porte sur les dissensions au sein de l'administration Obama durant la période de réflexion qui a mené à l'annonce d'une nouvelle stratégie pour l'Afghanistan, en 2009. L'ouvrage, à paraître lundi, dont la presse américaine a publié hier des extraits, traite non seulement des querelles parfois mesquines entre les hauts responsables américains, mais également des tensions entre le président et le Pentagone.

«J'en ai fini avec ça!» se serait exclamé Barack Obama, selon Bob Woodward, après que l'armée lui eut demandé davantage de troupes que les 30 000 soldats supplémentaires auxquels il avait déjà consenti pour venir à bout des talibans.

Mi-prof, mi-stratège

Si Bob Woodward avait décrit Bill Clinton comme un leader désorganisé dans The Agenda et George W. Bush comme un valeureux guerrier dans Bush at War, Barack Obama est dépeint dans Obama's Wars comme un président à mi-chemin entre le professeur d'université (il lit tous les documents et donne des «devoirs» à ses subalternes) et le stratège politique.

Comme les luttes intestines de l'administration Obama sur la stratégie afghane ont déjà été largement traitées dans les médias, les révélations les plus controversées de Bob Woodward concernent peut-être le choix de la date butoir de juillet 2011 pour le début du retrait des troupes américaines d'Afghanistan, choix qui a aurait été dicté au moins en partie par des considérations politiques.

Le président estime en effet n'avoir le soutien du public que «pour deux ans» sur la question afghane, selon le journaliste-vedette.

«Je ne peux pas laisser cette guerre s'éterniser, et je ne peux pas perdre tout le Parti démocrate», aurait dit le président au sénateur républicain Lindsey Graham.

«Je ne veux pas que ça dure 10 ans»

Lors d'une réunion tenue en octobre 2009, le président aurait également exprimé son opposition à tout engagement à long terme en Afghanistan en s'adressant en ces termes au secrétaire à la Défense Robert Gates et à la secrétaire d'État Hillary Clinton: «Je ne veux pas que ça dure 10 ans. Je ne veux pas m'engager à long terme dans la construction d'un pays. Je ne veux pas dépenser mille milliards.»

«Il faut que ce plan détermine comment nous allons nous en sortir et quitter l'Afghanistan», aurait-il encore dit lors d'une autre réunion.

La Maison-Blanche s'est dite plutôt satisfaite du livre de Bob Woodward, qui a pu interviewer la plupart des membres de l'administration démocrate, y compris le président. Selon un porte-parole, l'ouvrage du journaliste brosse de Barack Obama le portrait d'un «commandant en chef analytique, stratégique et décisif».

Le porte-parole a choisi d'esquiver les nombreux exemples de discorde contenus dans Obama's Wars. On y découvre notamment que le vice-président Joe Biden considère l'envoyé spécial pour l'Afghanistan et le Pakistan, Richard Holbrooke, comme «le salaud le plus prétentieux (qu'il connaisse)».

Cela dit, Holbrooke et le conseiller de la Maison-Blanche pour l'Afghanistan, le général Douglas Lute, partageaient le scepticisme du vice-président concernant les chances de réussite de la stratégie adoptée par le président, selon Bob Woodward.