Le matin du 8 septembre 2009, Carl Paladino s'est assis devant son ordinateur et a envoyé par courriel à 50 de ses meilleurs amis une vidéo montrant une scène d'accouplement entre une femme et un cheval.

L'envoi faisait partie d'une série de courriels contenant des images ou vidéos pornographiques, sexistes ou racistes transmis à des connaissances par cet homme d'affaires de Buffalo qui a fait fortune dans l'immobilier. Les révélations en avril dernier sur ces communications allaient-elles torpiller la candidature du néophyte politique au poste de gouverneur de New York?

Lors d'une primaire tenue le 14 septembre, les électeurs républicains de New York ont donné une réponse qui a étonné - et consterné - l'establishment de leur parti. Ils ont rejeté massivement le candidat le plus expérimenté et modéré, en l'occurrence l'ancien représentant Rick Lazio, préférant Carl Paladino, qui jouit de l'appui du Tea Party, ce mouvement de contestation populiste.

Mercredi dernier, c'était au tour des démocrates d'être surpris: à six semaines des élections de mi-mandat, un sondage a révélé que le républicain à la personnalité incendiaire n'accusait plus qu'un retard de six points sur le candidat du Parti démocrate, Andrew Cuomo, ministre de la Justice de New York et grand favori de la course.

Le fils de l'ex-gouverneur de New York Mario Cuomo a été crédité d'avances plus fortes dans d'autres sondages, mais son aura d'invincibilité est disparue du jour au lendemain. Il ne fait aucun doute que son adversaire républicain incarne beaucoup mieux que lui la colère qui anime le Tea Party et une bonne partie de l'électorat américain.

«Le peuple en a assez»

En fait, on peut se demander si un candidat américain peut se targuer, en cette saison électorale, d'être plus en colère que Carl Paladino. Accompagné dans plusieurs de ses déplacements par un pitbull appelé Duke, le millionnaire de 64 ans donne parfois l'impression d'auditionner pour le rôle d'Howard Beale dans le film Network, celui d'un Américain à bout qui s'écrie: «I am as mad as hell, and I'm not going to take this anymore (Je suis vraiment en colère, et je ne peux plus tolérer cela!).»

«Nous sommes vraiment en colère», a répété Carl Paladino devant ses supporteurs après sa victoire du 14 septembre. «Les New-Yorkais en ont assez. Ce soir, la classe dirigeante le sait. Elle l'a vu. Il y a une révolution populaire. Le peuple en a assez.»

Puis, faisant référence à ses critiques, il a ajouté: «Ils disent que je suis trop brusque. Eh bien, je le suis, et je ne vais pas m'en excuser. Ils disent que je suis un homme en colère, et c'est vrai. Nous sommes tous en colère.»

La cible principale de la rage de Carl Paladino, c'est Albany, capitale dysfonctionnelle de l'État de New York, où il se propose de se présenter avec «un bâton de baseball» pour déloger les élus qui s'y sont incrustés. Il en veut tout particulièrement au président démocrate de la chambre basse, Sheldon Silver, qu'il a comparé à «un Antéchrist ou un Hitler», et qu'il veut envoyer en prison pour qu'il se fasse tabasser «un peu».

Mais il ne limite pas ses attaques aux démocrates, ayant déjà traité l'ancien gouverneur républicain de New York George Pataki d'«idiot dégénéré».

Face à Andrew Cuomo, il est moins féroce, et préfère utiliser contre lui l'arme de la dérision. D'où le surnom qu'il lui a donné: «Prince Andrew».

«Du sang sur le plancher»

Ses propositions sont de nature à plaire aux militants du Tea Party. Il promet notamment de baisser les impôts de 10% dans les six premiers mois de son mandat, de réduire le budget de l'État de 20% dans la première année et d'éliminer les pensions des parlementaires.

«Il va y avoir du sang sur le plancher», a-t-il confié au Daily News, qui l'a surnommé «Crazy Carl». «Ça ne sera pas beau, ça ne sera pas propre, mais je vais les abattre.»

Malgré son tempérament agressif, Carl Paladino n'est peut-être pas dépourvu d'humour. Après les révélations sur ses courriels controversés, il a d'abord exprimé sa fierté d'avoir créé des centaines d'emplois «pour des gens de toutes les ethnicités, couleurs ou préférences sexuelles».

Puis, à l'intention «des hommes et des femmes qui n'ont jamais regardé une image osée sur l'internet», il a ajouté: «Ne votez pas pour moi. Quant à ceux qui l'ont déjà fait, j'accepte leurs votes avec plaisir.»