Clarence Jones, ancien confident de Martin Luther King, «pense l'impensable», pour reprendre ses propres mots: selon lui, la réélection de Barack Obama à la Maison-Blanche en 2012 devra être contestée au sein même du Parti démocrate.

«Il n'est pas facile de songer à défier le premier Afro-Américain élu président des États-Unis. Mais, malheureusement, je pense que le temps est venu de le faire», a-t-il écrit dimanche dans un texte publié sur le site The Huffington Post.

Au moins deux autres intellectuels progressistes bien connus, Robert Kuttner et Michael Lerner, ont lancé le même appel dans les derniers jours. Comme Clarence Jones, ils estiment que le président Obama a trahi dans plusieurs dossiers les électeurs qui lui ont permis de remporter l'investiture du Parti démocrate en 2008.

«Pour plusieurs progressistes, le refus du président d'opposer son veto à toute mesure prévoyant la prolongation d'allégements fiscaux pour les milliardaires est la goutte qui fait déborder le vase», a écrit Michael Lerner, éditeur du magazine Tikkun, deux jours avant l'annonce par Barack Obama d'un compromis avec les républicains sur la fiscalité.

S'il faut se fier à un sondage récent, pas moins de 47% des démocrates souhaitent qu'un candidat brigue l'investiture de leur parti contre Barack Obama pour l'élection présidentielle de 2012. Cela ne constitue pas un précédent, selon Charles Franklin, sondeur et politologue à l'Université du Wisconsin, qui rappelle notamment la fronde qui avait incité le sénateur du Massachusetts Edward Kennedy à défier le président sortant, Jimmy Carter, en 1980.

S'aliéner les progressistes

«Étant donné les pertes des élections de mi-mandat et la cote de popularité du président, qui n'a rien de désastreux, mais qui, à 45%, n'est pas solide et forte, il n'est pas étonnant d'entendre ce genre d'appel, surtout de la part de la gauche, qui était insatisfaite de certains aspects de la réforme de l'assurance santé et qui est aujourd'hui mécontente du compromis sur la fiscalité avec les républicains», a déclaré Franklin lors d'un entretien téléphonique.

«Je pense que nous approchons du point culminant de ce genre d'appel.»

Franklin ne voit à l'horizon aucun démocrate de la trempe d'un Edward Kennedy qui puisse vraiment menacer la place de Barack Obama en tête du «ticket» démocrate en 2012. À ses yeux, le danger est ailleurs: «Le vrai danger, c'est qu'il s'aliène les progressistes au point où ils décideraient de rester à la maison en 2012.»

En attendant, Barack Obama peut sans doute se consoler avec les résultats d'un sondage Gallup publié hier: pas moins de 66% des Américains approuvent les principaux éléments de son compromis avec les républicains sur la fiscalité, à savoir la prolongation pendant deux ans des allégements fiscaux de l'ère Bush pour tous les contribuables, y compris les plus fortunés, en échange du prolongement des allocations pour 2 millions de chômeurs, qui avaient cessé fin novembre.

Le compromis doit cependant être approuvé par le Sénat et la Chambre des représentants, où plusieurs démocrates et certains républicains s'y opposent.