Même s'il a fini l'année en force avec la ratification du traité START avec la Russie et l'abrogation du tabou homosexuel dans l'armée américaine, Barack Obama aura payé très cher ses plus grandes réalisations de 2010, estime le politologue de l'Université de Virginie Larry Sabato, un des analystes politiques les plus réputés des États-Unis.

Q: Quelle note donnez-vous au président Obama pour sa performance en 2010?

R: En tant que professeur, je ne crois pas aux notes de mi-session. La seule chose qui compte, c'est l'examen final. Une grande partie de l'héritage de Barack Obama est encore à écrire. Sur le plan purement politique, le verdict final viendra avec les résultats de l'élection présidentielle de 2012.

Q: Quelle aura été la plus grande réalisation du président Obama en 2010, une année au cours de laquelle il a notamment promulgué deux réformes majeures, l'une sur le système de santé et l'autre sur le système financier?

R: La réforme du système de santé a été la plus grande réalisation d'Obama. Cela faisait partie des priorités des démocrates depuis longtemps et il sera à jamais le président qui l'aura réalisée. Bien sûr, en cours de route, il se sera mis à dos plusieurs républicains, démocrates et indépendants aussi!

Q: Et son plus grand échec en matière de politique intérieure?

R: Son plus grand échec, ou plutôt sa plus grande erreur, aura été de n'avoir pas davantage donné la priorité à l'économie. Au sortir de la récession, l'économie était la principale préoccupation de presque tous les électeurs, mais plusieurs d'entre eux se sont demandé si c'était également le cas pour Obama. La réforme du système de santé et d'autres diversions importantes, dont la marée noire dans le golfe du Mexique, ont donné à plusieurs l'impression que la Maison-Blanche était déconnectée de la réalité économique.

Q: Comment voyez-vous la façon dont Barack Obama a composé avec le phénomène du Tea Party en 2010?

R: Heureusement pour lui, ce n'était pas vraiment son problème. Les dirigeants républicains sont ceux qui ont passé des nuits blanches à cause du Tea Party, en raison notamment de l'impact du mouvement sur les primaires du parti. Obama n'a jamais eu une chance de gagner les faveurs du Tea Party et il n'a jamais vraiment essayé de le faire.

Q: Que dire de la façon dont Barack Obama s'est comporté depuis les élections de mi-mandat, tant sur la forme que sur le fond?

R: Obama doit être plutôt soulagé de la façon dont les choses se sont passées depuis les élections. En dépit de la raclée qu'il a encaissée le 2 novembre, il est en meilleure position politique qu'avant. Les élections de mi-mandat lui ont fourni une échappatoire. Il pourra imputer aux républicains de la Chambre des représentants les manquements ou erreurs à venir. Le public s'attendra par ailleurs à moins de sa part, étant donné que les démocrates n'auront plus le plein contrôle du gouvernement fédéral.

Q: Quel élément de la politique étrangère d'Obama a le plus retenu votre attention?

R: Ce qui est peut-être le plus frappant, c'est le peu d'importance que le public américain accorde à la politique étrangère. Obama a rempli ses promesses de mettre fin à la guerre en Irak et de redoubler l'effort militaire en Afghanistan, mais les Américains ont presque complètement ignoré ces deux guerres. En 2010, la grande question a été l'économie et même deux guerres étrangères n'ont pas suffi à retenir l'attention des médias.

Q: Qu'est-ce qui vous a le plus surpris dans la performance du président en 2010?

R: La plus grande surprise est combien de temps Obama a mis avant de réaliser le prix qu'il aurait à payer pour la réforme du système de santé. Aux élections de mi-mandat, les républicains étaient euphoriques en pensant à l'avantage qu'ils pourraient tirer du processus interminable et parfois disgracieux qui a entouré l'élaboration et l'adoption de la réforme. Obama n'a réalisé que sur le tard que cette réforme lui nuirait à court terme sur le plan électoral, une erreur qu'il ne peut se permettre de répéter à l'approche de la prochaine élection présidentielle.

Q: Quels parallèles historiques établissez-vous entre la situation actuelle de Barack Obama et celles d'autres présidents?

R: Obama rêve à une fin de mandat à la Clinton, qui lui permettrait de survivre à une situation complexe au Congrès et d'être réélu. Son cauchemar, cependant, est de revivre le scénario de Jimmy Carter, qui n'a jamais réussi à surmonter les écueils d'une économie faiblarde.