L'internet est en train de transformer la notion d'infidélité. À l'heure des scandales provoqués par les politiciens américains Anthony Weiner et Chris Lee, qui ont envoyé des photos obscènes d'eux-mêmes par courriel à des correspondantes, les psychologues cherchent à cerner la différence entre un flirt en chair et en os et sa version électronique.

Anthony Weiner ne pensait peut-être pas mal faire en envoyant des photos de lui torse nu et d'autres plus osées à de jeunes femmes rencontrées sur Facebook. Mais le scandale l'a obligé à démissionner de son poste de représentant au Congrès américain. La question mérite d'être posée: a-t-il trompé sa femme?

«On a souvent pensé que les jeunes sont plus susceptibles d'être tolérants vis-à-vis des activités sexuelles virtuelles», explique Katherine Hertlein, psychologue à l'Université du Nevada à Las Vegas, qui s'intéresse à la notion d'infidélité. «Après tout, ils sont plus habitués que leurs parents à la pornographie, qui est plus accessible que jamais grâce à l'internet. Et ils sont habitués à correspondre par courriel ou à clavarder, souvent avec des étrangers. Mais les quelques données dont nous disposons indiquent au contraire que la définition de l'infidélité est de plus en plus large. On dirait que les jeunes ont tellement été exposés au flirt et à la pornographie qu'ils en réalisent toute la portée, alors que les générations précédentes les banalisaient.»

Mme Hertlein appuie ses conclusions sur une étude d'une psychologue de l'Université de Leicester, Monica Whitty, qui révèle que 9 Britanniques sur 10 estiment qu'une relation sexuelle «virtuelle» (essentiellement de la masturbation relayée ou non par vidéo) constitue une infidélité. Presque autant -88%- estiment de plus que le fait de dévoiler à un inconnu rencontré sur l'internet des détails intimes -par exemple, ses pratiques sexuelles favorites ou ses mensurations- constitue aussi une infidélité. Le simple de fait de flirter sur le Net est considéré comme une infidélité par 84% des répondants, et 68% assimilent la pornographie à une infidélité.

Plus facile de succomber

L'an dernier, en Grande-Bretagne, un cinquième des demandes de divorce déposées électroniquement en cour invoquaient Facebook, note Pamela Haag, historienne et auteure de Marriage Confidential, qui se penche sur les mariages «semi-heureux». «Une partie de ces demandes décrivaient une relation extraconjugale née sur Facebook, explique Mme Haag. Nous vivons dans un monde postromantique qui a de la difficulté à vivre avec le manque de repères. Les tentations sont constantes à cause de la rapidité des communications et de la facilité de rencontrer quelqu'un par l'internet. Une infidélité virtuelle fait aussi mal, mais le conjoint infidèle se sent moins coupable. Il est donc plus susceptible de succomber.»

D'un côté, souligne Mme Haag dans Marriage Confidential, cela déstabilise les conjoints qui tiennent absolument à trouver un absolu dans leur mariage, dans une cohabitation qui, par définition, implique des compromis. De l'autre, cela permet à certains couples un mariage «agnostique», où les infidélités font toujours aussi mal mais peuvent être tolérées, surtout si elles sont virtuelles.

«Si on exclut la pornographie, l'internet joue un rôle plus important dans l'infidélité des femmes que dans celle des hommes, dit Mme Hertlein. Les hommes ont souvent des motivations plus physiques qu'émotionnelles, alors que, chez les femmes, c'est le contraire. Or, l'internet est un médium relationnel, particulièrement le clavardage. La façon dont les couples se forment, la vie de couple même ont aussi été transformées. Ceux qui se rencontrent par l'internet ont souvent moins de choses en commun, du point de vue de l'éducation et du milieu social, que les autres couples. Ils s'unissent sur la base d'intérêts communs, ce qui n'est pas toujours un gage de succès. Cela dit, la femme qui découvre que son conjoint recourt à la pornographie se sent généralement critiquée, moins désirable, selon une étude récente.»

«Les Américains sont moins tolérants qu'avant à l'égard de l'infidélité, explique le sociologue Bradford Wilcox, qui dirige le Projet national sur le mariage de l'Université de Virginie. La tolérance a baissé de 47% à 22% chez les hommes et de 37% à 16% chez les femmes. En même temps, la proportion d'adultères n'a presque pas diminué, à 16% chez les hommes et 10% chez les femmes.»