Quand Anick Carpentier s'est lancée dans l'immobilier à Las Vegas, il y a 10 ans, le marché était en pleine expansion. Elle ne se doutait pas que, avec la crise, son métier deviendrait presque aussi risqué que celui de son coureur automobile de mari, Patrick Carpentier.

«Quand la bulle a éclaté, le marché s'est effondré. Le prix des maisons a chuté de 45%», explique l'économiste Stephen Brown, de l'Université de Las Vegas.

Pris à la gorge, des milliers de propriétaires ont été évincés de leur maison. La ville détient le triste record des reprises bancaires aux États-Unis. Et les agents immobiliers courent maintenant des risques surprenants dans l'exercice de leur métier.

D'abord, il y a les squatters. «Ce ne sont pas des clochards, mais des gens qui ont tout perdu», dit Mme Carpentier. Plutôt que de vivre dans la rue, ils occupent les maisons saisies par les banques. «Ils n'ont pas de mauvaises intentions, c'est vraiment de la survie.»

Il reste que le danger est bien réel. «Une fois, je suis entrée dans une maison et des squatters avaient fait un feu sur la céramique du salon. Je suis sortie tout de suite. Récemment, une agente a été attaquée par un squatter caché dans une penderie.»

Ensuite, il y a tous ces propriétaires qui saccagent leur maison avant d'en être expulsés. «Plusieurs maisons n'ont plus d'armoires de cuisine, plus de toilettes, plus de climatiseur. Les gens partent avec tout. Il y en a même qui scient les poutres du toit par frustration, ou par désespoir. Ils se disent qu'ils n'ont rien à perdre.»

«Quand je visite ces maisons, je porte des bottes hautes pour être certaine que mon jean ne touche pas au plancher, poursuit-elle. Je ne touche jamais à rien, même pas aux rampes d'escalier. On trouve des animaux abandonnés à leur sort, morts de faim. Les odeurs sont épouvantables.»

Le phénomène est si répandu que certaines banques offrent 1000$ comptant aux propriétaires qui promettent de faire leurs valises sans se livrer au vandalisme.

Anick Carpentier refuse de condamner en bloc les milliers de gens qui se sont endettés jusqu'au cou sans prévoir l'avenir. «Bien sûr, il y a eu des excès, mais il y a aussi des gens qui ont été victimes de la crise. Quand j'entre dans une maison et que je vois des jouets abandonnés par des familles forcées de partir en vitesse, ça me brise le coeur.»