Certains pays n'ont pas les capacités militaires, d'autres disent craindre la «surchauffe» après trois mois d'intervention en Libye: pour le patron du Pentagone, les Européens doivent mutualiser leurs moyens pour que l'Otan ne devienne pas une coquille vide.

La campagne aérienne de l'Otan met en lumière l'atrophie des budgets militaires de nombreux pays et la nécessité pour les Européens de mieux se coordonner pour y parer, a affirmé le secrétaire américain à la Défense Robert Gates lors d'un entretien à l'AFP la semaine passée.

Début juin, le ministre, qui quittera ses fonctions jeudi, avait mis en garde dans un discours virulent à Bruxelles contre l'avenir «sombre» qui guette l'Alliance atlantique si les Européens n'y prêtent pas plus attention.

«Franchement, bon nombre de ces alliés restent à l'écart, non pas parce qu'ils ne veulent pas participer, mais simplement parce qu'ils ne peuvent pas. Les moyens militaires ne sont tout simplement pas là», avait-il alors déploré en évoquant la Libye.

«Le fait est, comme je l'ai dit à Bruxelles, qu'il y a une capacité militaire importante et beaucoup d'argent dépensé en Europe», a affirmé M. Gates à l'AFP. «Le problème est la façon dont il est dépensé et le fait de ne pas reconnaître suffisamment que tous les pays de l'Otan n'ont pas les moyens de disposer de l'ensemble de l'éventail des capacités militaires».

Hors États-Unis, les membres de l'Otan dépensent 300 milliards de dollars par an pour leur défense et pourtant Washington prend en charge 75% des dépenses militaires de l'Alliance.

Les Européens manquent notamment de moyens de surveillance et de reconnaissance pour identifier les cibles qu'ils veulent bombarder en Libye.

Ils doivent commencer à «mettre en commun leurs ressources», selon M. Gates. «Certains pays ne peuvent s'offrir les F16 mais ils peuvent mettre en commun leurs moyens comme ils l'ont fait pour l'avion-cargo C17, et avoir alors une capacité réelle».

«Il y a encore deux millions de militaires en Europe, pourquoi est-il si difficile d'en trouver 25.000» pour une opération, a-t-il encore demandé.

En Libye, seuls huit des 28 pays de l'Otan - États-Unis, Belgique, Canada, Danemark, France, Italie, Norvège et Royaume-Unis - participent aux frappes aériennes. La moitié des membres de l'Alliance n'apporte aucune contribution.

Fers de lance de l'intervention et rares pays au sein de l'Otan avec la Grèce, l'Albanie et les États-Unis à respecter le seuil de 2% du PIB prôné par l'Alliance pour la défense, la France et la Grande-Bretagne commencent à s'inquiéter des effets d'une campagne prolongée en Libye.

De hauts gradés britanniques ont mis en doute la capacité de la Royal Air Force et de la Royal Navy à mener à bien leurs missions en Libye si les opérations devaient se prolonger au-delà de l'été.

En France, le chef d'état-major de la Marine, l'amiral Pierre-François Forissier, dément toute «surchauffe» mais prévient qu'une longue indisponibilité attend le porte-avions Charles-de-Gaulle en 2012 si les opérations se prolongent trop.

Fier de son action en Libye, Nicolas Sarkozy n'a pas manqué de dénoncer la déclaration «injuste» de Robert Gates, «qui ne correspond à aucune réalité», même si les propos du ministre semblaient viser d'autres pays.

La participation américaine en Libye se résume selon le président français à «deux drones» et «un certain nombre d'avions ravitailleurs».

Selon le Pentagone, 70 appareils américains continuent de prendre part à l'opération, dont des chasseurs-bombardiers F15 et F16. Au moins 119 frappes américaines ont eu lieu depuis début avril.