David Hall avait devant lui une carrière prometteuse dans l'armée de l'Air américaine lorsqu'un de ses collègues a dénoncé son homosexualité. Dix ans plus tard, il espère pouvoir retourner sous les drapeaux, avec l'abolition définitive mardi du tabou gai dans l'armée.

Ce changement historique entre en vigueur mardi à 00h01. Le Pentagone se dit «prêt» à accueillir des militaires ouvertement homosexuels après 18 ans d'une législation controversée.

La loi de 1993, dite Don't ask, don't tell (ne rien demander, ne rien dire), qui obligeait les militaires gais et lesbiennes à dissimuler leur homosexualité sous peine de renvoi, a finalement été abrogée au terme d'un débat passionné.

La nouvelle loi entre en vigueur sans fanfare. Le secrétaire à la Défense Leon Panetta et le plus haut gradé américain, l'amiral Mike Mullen, doivent tenir une conférence de presse mardi après-midi mais aucune cérémonie officielle n'est prévue pour marquer l'événement.

De son côté, David Hall, n'a pas attendu son entrée en vigueur pour contacter les recruteurs de l'armée de l'Air, espérant retourner dans le rang, dix ans après son exclusion pour «comportement homosexuel».

Ce sergent était promis à un brillant avenir sous l'uniforme avant qu'un collègue ne le dénonce, lui et son petit ami, provoquant son renvoi de l'armée.

«A ce moment-là, j'étais major de ma promotion et j'étais sélectionné pour devenir pilote», explique-t-il à l'AFP.

«J'étais déçu. J'avais le sentiment d'avoir tout fait comme il fallait, je sais que j'avais tout bien fait», raconte-t-il.

Aujourd'hui âgé de 37 ans, il se félicite que «le pays dans son ensemble ait réalisé que c'était quelque chose dont on devait se débarrasser».

David Hall est désormais trop âgé pour espérer devenir pilote: «J'en ai conscience mais je suis simplement heureux de revenir dans l'armée, de porter l'uniforme et de servir mon pays».

Comme lui, les militaires homosexuels n'auront plus à «mentir sur ce qu'ils sont», selon l'amiral Mullen.

Depuis 1993, la loi «Don't ask, don't tell» a conduit au renvoi de quelque 14 000 soldats en raison de leur homosexualité, selon des sources associatives. Après des années d'activisme des associations, de procès pour discrimination et une promesse de campagne de Barack Obama, le Congrès l'a finalement abrogée en décembre.

Des personnalités telles que la chanteuse Lady Gaga sont montées au créneau tandis que certains élus, essentiellement républicains, et certains hauts gradés de l'armée comme le patron des Marines, le général James Amos, craignaient que cela nuise à l'efficacité des soldats au combat.

Pour ne rien brusquer, il a été convenu que la loi n'entrerait en vigueur qu'une fois l'armée prête à un tel changement.

Cela aura pris neuf mois. Entre-temps, la quasi-totalité des 2,3 millions de militaires d'active et de réserve, dont une majorité était favorable à l'abrogation du tabou gai, ont été «formés» à l'idée d'accueillir des personnes reconnaissant leur homosexualité.

Les associations espèrent voir dans l'abrogation du tabou gai un premier pas vers l'autorisation du mariage homosexuel, actuellement reconnu dans seulement six des 50 États et dans la capitale Washington.

«Aux États-Unis et peut-être dans le monde entier, les militaires ont tendance à être l'une des institutions les plus conservatrices de la société», estime Zeke Stokes, porte-parole d'une association de défense des droits des militaires.

Selon lui, «dans chaque pays où le mariage homosexuel est légal, la possibilité de servir dans l'armée sans avoir à cacher ses préférences sexuelles l'a précédé».