La citation est assassine. Ron Suskind, auteur d'un nouveau livre sur la Maison-Blanche de Barack Obama, l'attribue à Lawrence Summers, principal conseiller économique du président américain de janvier 2009 à décembre 2010.

«Nous sommes seuls à la maison. Il n'y a pas d'adultes responsables. Clinton n'aurait jamais commis ces erreurs.»

Selon Suskind, dont l'ouvrage, intitulé Confidence Men, sort aujourd'hui aux États-Unis, Lawrence Summers a fait cette déclaration à un de ses collègues, Peter Orszag, alors directeur du bureau du Budget de la Maison-Blanche, au cours d'un repas au restaurant. L'auteur l'ajoute à son portrait très peu flatteur de Barack Obama, qu'il présente comme un «brillant amateur» - un président cérébral, inexpérimenté et dépourvu du leadership nécessaire pour faire face à l'avalanche de problèmes économiques dont il a hérité.

La parution du livre de Suskind ne peut pas tomber à un pire moment pour Barack Obama. L'ouvrage de 515 pages est en effet de nature à accréditer l'opinion des critiques du président selon laquelle il n'a pas les compétences pour diriger les États-Unis en cette période de turbulences économiques et financières.

Et Ron Suskind n'est pas le genre d'auteur que ses cibles peuvent facilement ignorer. L'ancien journaliste du Wall Street Journal est auréolé du prix Pulitzer, plus haute distinction journalistique aux États-Unis, et a fait paraître plusieurs livres bien reçus, dont The Price of Loyalty, qui dressait un réquisitoire contre l'administration Bush avec l'aide de l'ancien secrétaire au Trésor, Paul O'Neill.

Les femmes isolées

Pour Confidence Men, Suskind a interrogé plus de 200 personnes, dont le président et plusieurs membres actuels ou anciens de son administration. Selon les premiers articles et recensions consacrés à son livre dans la presse américaine, l'auteur décrit la Maison-Blanche comme un endroit où les principaux conseillers économiques du président se poignardent dans le dos, ignorent parfois les ordres de leur patron ou tardent à y obéir.

Suskind fait notamment état d'une directive émise en mars 2009 par Barack Obama, qui enjoignait au secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, d'envisager la scission de Citigroup, le géant bancaire américain. Geithner, qui était opposé à un tel scénario, n'a jamais préparé le plan demandé par le président, selon l'auteur.

Suskind évoque également les relations tendues entre les hommes et les femmes du président, et surtout entre Lawrence Summers et Christina Romer, ex-présidente du Conseil des conseillers économiques de Barack Obama. L'ancienne directrice des communications de la Maison-Blanche, Anita Dunn, parle même à l'auteur d'un «environnement de travail hostile» pour les femmes au 1600, Pennsylvania Avenue.

À la veille de la parution de Confidence Men, tant Lawrence Summers, Timothy Geithner qu'Anita Dunn ont nié les propos ou les actions que leur prête Ron Suskind dans son livre.

«Je ne ferais jamais cela», a notamment déclaré Geithner hier en conférence de presse, faisant référence au récit de Suskind concernant son refus d'obéir à la directive présidentielle sur Citigroup. «J'ai passé ma vie dans le service public. Mon grand privilège est de servir ce président, et je ne songerais jamais à faire une telle chose.»