Les États-Unis ont prévenu mercredi que Téhéran devrait «rendre des comptes» après la mise au jour d'un complot présumé contre l'ambassadeur d'Arabie saoudite sur le sol américain, tandis que l'Iran a rejeté avec véhémence une affaire selon lui montée de toutes pièces.

La justice américaine a annoncé mardi l'inculpation de deux ressortissants iraniens accusés d'avoir tenté d'assassiner l'ambassadeur Adel Al-Jubeir.

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Prendre l'ambassadeur d'Arabie saoudite pour cible «est une action révoltante, et les Iraniens devront rendre des comptes», a affirmé mercredi le vice-président des États-Unis Joe Biden, selon qui ce complot présumé «viole l'une des règles de base, la sécurité et le caractère intouchable des diplomates».

«La première chose que nous faisons est de nous assurer que le monde entier, et les autorités de tous les pays, comprennent ce que les Iraniens voulaient faire», a indiqué M. Biden à l'antenne de la télévision ABC. «Nous sommes en train de mobiliser l'opinion publique mondiale pour continuer à (les) isoler et à punir leur comportement», a-t-il assuré.

L'Iran a rejeté avec force les accusations de Washington, le ministre des Affaires étrangères Ali Akbar Salehi dénonçant mercredi un «scénario malveillant» et assurant qu'en fin de compte, les États-Unis «vont s'excuser auprès de l'Iran» pour l'avoir mis en cause.

«Nous ne cherchons pas la confrontation, mais s'ils nous l'imposent les conséquences en seront plus dures pour eux» que pour l'Iran, a-t-il aussi mis en garde à l'issue d'un conseil des ministres.

Le New York Times, citant une source anonyme proche de l'enquête, a affirmé mercredi que les auteurs du complot prévoyaient en outre de payer un cartel mexicain de la drogue pour faire sauter l'ambassade d'Israël à Washington et celles d'Israël et d'Arabie saoudite à Buenos Aires.

La Maison-Blanche a fait savoir que le président Barack Obama avait téléphoné à l'ambassadeur saoudien pour lui témoigner sa «solidarité». De même source, «le président a souligné que les États-Unis estiment que ce complot constitue une violation flagrante des lois américaines et internationales».

D'après le ministre américain de la Justice Eric Holder, le complot était «conçu, organisé et dirigé par l'Iran».

Reflétant la montée de la tension, le département d'État américain a lancé une «alerte mondiale» au terrorisme sur son site internet de recommandation aux voyageurs.

Selon le ministère, le complot présumé «peut être le signe d'une focalisation plus agressive des autorités iraniennes sur des activités terroristes contre les diplomates de certains pays, y compris contre les États-Unis».

Selon M. Holder, le projet d'assassiner l'ambassadeur saoudien a été approuvé par Téhéran, et tout particulièrement par la direction des Brigades Al-Qods, forces spéciales des Gardiens de la Révolution, la garde prétorienne du régime islamique.

L'ambassade d'Arabie aux États-Unis a dénoncé «une violation odieuse» des conventions internationales et exprimé sa «gratitude» aux États-Unis. Mercredi, le prince Turki al-Faisal, ancien ambassadeur et ex-chef des services de renseignement saoudiens, a déclaré que «quelqu'un en Iran (devrait) payer» pour cet «acte criminel inqualifiable».

L'Union européenne, par la voix de la porte-parole de sa haute représentante de la diplomatie Catherine Ashton, a mis en garde l'Iran contre des «conséquences très graves» si les accusations américaines étaient avérées, tandis que le gouvernement britannique se disait prêt à soutenir d'éventuelles mesures «pour que l'Iran réponde de ses actes».

Les deux suspects poursuivis aux États-Unis sont accusés d'avoir préparé l'attentat depuis mai dernier.

Manssor Arbabsiar, 56 ans, qui dispose de la double nationalité américaine et iranienne, a été arrêté le 29 septembre à l'aéroport Kennedy de New York, selon le ministère de la Justice. Un membre des Brigades Al-Qods, Gholam Shakuri, reste en fuite.

Les deux hommes sont poursuivis notamment pour «conspiration en vue de tuer un responsable étranger», «utilisation d'une arme de destruction massive (des explosifs)» et «conspiration en vue de commettre un acte de terrorisme international».

Après son arrestation, Arbabsiar aurait admis sa participation au complot, selon le ministère de la Justice. Il aurait confié avoir été «recruté, payé et dirigé par des hommes qu'il pensait être des hauts responsables des Qods».

L'attentat a été déjoué car Arbabsiar aurait rencontré à plusieurs reprises un informateur américain qu'il croyait être membre d'un cartel de la drogue mexicain. Ce dernier lui aurait proposé d'organiser l'attentat pour la somme de 1,5 million de dollars.

Arbabsiar aurait ensuite viré 100 000 dollars sur un compte en banque américain au titre d'acompte.

Le procureur fédéral de New York Preet Bharara a rapporté que lorsqu'on lui avait dit que l'attentat pourrait se dérouler dans un restaurant occupé par 150 personnes, un des suspects aurait déclaré: «ce n'est pas bien grave».

Photo: AP

Manssor Arbabsiar