L'ambassadrice des États-Unis à l'ONU, en visite mercredi au Rwanda, a déclaré que les États-Unis avaient craint que la répression du soulèvement en Libye par les forces de Mouammar Kadhafi ne mène à un massacre à grande échelle semblable au génocide de 1994 au Rwanda.

Le président Barack Obama était déterminé à empêcher «une autre horreur prévisible», a dit l'ambassadrice Susan Rice. Elle s'exprimait devant un auditoire rwandais après s'est rendue en Libye mardi, où elle a visité un charnier près de la capitale, Tripoli.

Il y avait «de forts échos de 1994» quand l'ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi a affirmé que ses forces tueraient les rebelles de Benghazi comme des «rats», a dit Mme Rice. Permettre à ce massacre annoncé de se produire aurait été un feu vert donné aux autres dictateurs du monde arabe afin qu'ils écrasent leur population, a-t-elle ajouté.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a plutôt approuvé un mandat pour protéger les civils en Libye.

«Cette fois-ci, le Conseil de sécurité a agi. Et il a agi à temps. Le Conseil a échoué au Rwanda et au Darfour, mais il n'a pas échoué en Libye. En moins de deux jours, la puissance de feu des États-Unis a joué un rôle décisif pour freiner les forces de Kadhafi et pour sauver Benghazi», a déclaré Mme Rice, selon le texte du discours qu'elle devait prononcer à l'Institut des sciences et des technologies de Kigali.

«Parce que nous avons agi, un nombre incalculable d'hommes, de femmes et d'enfants ont été sauvés. Parce que nous avons agi, le peuple libyen a eu le temps et l'espace pour mettre fin au régime Kadhafi et entamer un nouveau départ. Parce que nous avons agi, la communauté internationale a donné un sens aux promesses qui ont été faites tant de fois sur le sol rwandais, soit que nous ne resterons pas là à rien faire quand nous avons la capacité à faire cesser une atrocité», a déclaré l'ambassadrice.

Les forces révolutionnaires libyennes ont arrêté et tué Mouammar Kadhafi en octobre après des mois de guerre impliquant des bombardements menés par les forces de l'OTAN.

Quelque 500 000 personnes ont été tuées lors du génocide au Rwanda en 1994, une tragédie qui a hanté la conscience du monde compte tenu de la non-intervention de la communauté internationale pendant le massacre.

Le président du Rwanda, Paul Kagame, a été salué dans le monde entier pour avoir su maintenir la paix au Rwanda après le génocide. Le pays connaît un important développement économique, mais des groupes de défense des droits de la personne affirment que M. Kagame maintient une emprise forte et parfois brutale sur le pays, en plus de faire taire ses opposants et de limiter la liberté d'expression.

Susan Rice a cité le principe de la «responsabilité de protéger», qui contraint la communauté internationale à protéger les civils des autres pays quand leur propre gouvernement ne le fait pas. Mme Rice a souligné que le président rwandais défendait cette doctrine et qu'il avait exhorté la communauté internationale à agir en Libye, le seul dirigeant africain non-membre du Conseil de sécurité à avoir lancé un tel appel.

«Le Rwanda n'est pas seulement allé au-delà de son propre génocide, il a systématiquement prêché par l'exemple, du Darfour à la Libye, en s'élevant contre ceux qui pourraient commettre un génocide ou des atrocités de masse», a ajouté Mme Rice.

Mais l'ambassadrice américaine a aussi critiqué Paul Kagame, affirmant que la culture politique du Rwanda avait été étouffée, que la liberté de presse était minimale dans le pays et que les journalistes, les militants et les opposants politiques n'avaient pas le droit de se rassembler pacifiquement.

«Certains ont tout simplement disparu», a-t-elle dit, en référence à la mort suspecte d'opposants politiques.

Elle a estimé que le prochain défi du Rwanda serait de renforcer sa démocratie.