Depuis près de 70 ans, une théorie récurrente veut que le président américain Franklin Roosevelt, averti de l'imminence de l'attaque japonaise sur Pearl Harbor, ait choisi le silence, comptant sur ce choc pour convaincre ses compatriotes d'entrer en guerre.

«C'est une légende», tranche Daniel Martinez, historien rattaché au Mémorial national de Pearl Harbor à Hawaii, où l'aviation japonaise a détruit la flotte américaine du Pacifique le 7 décembre 1941, déclenchant l'entrée des États-Unis dans la seconde guerre mondiale. «C'est le genre de théorie du complot inventée pour vendre des livres».

S'il est exact que le président Roosevelt (1933-45) désespérait de convaincre les Américains d'entrer dans le conflit, sa priorité avant Pearl Harbor était de combattre en Europe, alors sous la botte nazie, pas de combattre dans le Pacifique.

Roosevelt «voulait la guerre avec l'Allemagne», explique M. Martinez. «La dernière chose dont il avait besoin était de combattre sur deux fronts», avec l'Allemagne et le Japon.

Les Américains d'aujourd'hui tendent à oublier que leur pays n'était pas une puissance militaire en 1941. «Notre armée de terre était petite, notre marine était petite, notre armée de l'air était toute petite», rappelle l'historien.

A la veille de Pearl Harbor, Roosevelt écrivait encore à l'empereur du Japon pour tenter désespérément d'éviter la guerre avec Tokyo, souligne-t-il.

Si les services de renseignement de Washington savaient qu'un conflit avec Tokyo était imminent, rien ne laissait prévoir que la base hawaiienne était visée, les Américains s'attendant plutôt à une attaque contre leurs bases aux Philippines.

Malgré leurs radars, ces derniers n'ont cependant pas vu approcher les six porte-avions japonais et leurs 400 appareils, qui se sont arrêtés à environ 350 km de leur cible.

«Notre système de surveillance était rustique», explique M. Martinez, qui fait valoir que les États-Unis ont surtout été aveuglés par leur sentiment de supériorité.

«Le sentiment qui prévalait était que les Japonais étaient incapables de faire ça. Nous considérions les Japonais comme inférieurs militairement et même racialement», rappelle M. Martinez.

Au lendemain de Pearl Harbor, le Congrès américain déclarait officiellement la guerre au Japon. Trois jours plus tard, l'Allemagne déclarait à son tour la guerre aux États-Unis. La guerre sur deux fronts commençait pour Washington.