«Quand on est sortis de l'école vendredi, on a eu l'impression que quelqu'un venait de lancer une bombe atomique», raconte Pam Horton, trésorière à l'école d'Henryville, petite ville de 2000 habitants du sud de l'Indiana.

«Quand on est sortis de l'école vendredi, on a eu l'impression que quelqu'un venait de lancer une bombe atomique», raconte Pam Horton, trésorière à l'école d'Henryville, petite ville de 2000 habitants du sud de l'Indiana.

À voir l'étendue des dégâts, la comparaison semble tout à fait adéquate.

Bâtiments réduits à l'état de poussière ou déplacés sur des dizaines de mètres, forêts couchées et encombrées de débris, le tout entremêlé des fils électriques qui pendouillent partout, le vent a soufflé ici vendredi après-midi avec une force inimaginable, broyant tout sur son passage.

Devant l'école, un autobus scolaire a été projeté dans une maison, son châssis complètement déformé. Un autre a été soufflé au milieu de la route, poussé là comme s'il n'était qu'un vulgaire sac de plastique.

L'école elle-même, qui avait ouvert ses portes en décembre, a subi des dommages majeurs. Côté ouest, le mur est parti au vent. Du stationnement, on peut voir ce qu'il reste de certaines classes par des trous dans la brique: pupitres recouverts de débris, manuels déchirés, dessins d'enfants qui tiennent à peine aux murs toujours debout. Seules quelques poutres d'acier tordues se tiennent là où se trouvait l'entrée principale de l'école.

«Une heure en enfer»

«Il a fallu sortir par des fenêtres brisées, poursuit Mme Horton. Nous étions avec à peu près 80 enfants du primaire et du secondaire qui n'avaient pas encore été évacués. Même au coeur de l'école, quand la tornade a frappé, vers 15h, on a tous eu l'impression que nos oreilles allaient exploser tellement il y avait de la pression. Puis, tout l'immeuble s'est mis à vibrer. Quand ça s'est calmé, on a voulu sortir, mais il a commencé à grêler. On a dû retourner à l'intérieur. Une heure en enfer, je vous jure.»

Dans les pelouses des alentours, les grêlons ont fait des trous de 5 ou 10 cm de large, et parfois aussi profonds. Les pare-brise des voitures toujours sur leurs quatre pneus sont défoncés.

La petite Madelynn Evans, 6 ans, est rentrée de l'école 15 minutes avant l'orage. Sa mère Wendy et elle se sont réfugiées dans un placard de leur maison. «J'ai pensé qu'un train de marchandises roulait sur nous, raconte Wendy Evans. Avec Madelynn, on est venues voir l'école ce matin, c'est surréaliste comme dégâts. C'est vraiment effrayant. Mais tout le monde se donne un coup de main ce matin, ça, c'est rassurant. Et beau à voir.»

Un «miracle»

Henryville a été pratiquement rasée de la carte, mais ses habitants s'en sont sortis à peu près indemnes. «Un de nos compatriotes a eu une crise cardiaque, c'est le seul qui a perdu la vie ici», raconte Steve Schafttein, prêtre de l'église catholique St. Francis Xavier, qui a servi de refuge vendredi soir.

Betty Carver habite la jolie maison située entre l'église et l'école. Son toit a été arraché, ses arbres déracinés, mais elle sourit à pleines dents. «Je me sens bénie, dit-elle. On peut réparer ou remplacer ce qui a été brisé. Ce qui compte, c'est qu'on est tous vivants. Un vrai miracle.»

Miracle. Le mot est sur toutes les lèvres à Henryville. Et ce qui frappe presque aussi fort que l'ampleur de la destruction, c'est la bonne humeur des gens, qui frôle parfois l'euphorie.

Le routier Wayne Jones conduisait son camion quelque part en Virginie quand il a appris qu'une tornade avait transformé sa maison en un amas de débris. Samedi, avec ses proches, il fouillait les décombres en rigolant. «J'avais tout perdu dans les inondations de 1992, j'ai tout remplacé, lance-t-il en faisant un peu le fanfaron. C'est la vie. Je viens de retrouver tous mes fusils, toutes mes munitions, je m'apprête à remballer les petites choses que j'ai récupérées et je m'en vais. À quoi bon fouiller davantage dans ce tas de déchets.»

La maison de trois chambres à coucher où vivait Melody Zollman, son mari et leurs enfants a l'air d'un château de cartes sur lequel on aurait marché. Elle aussi garde pourtant le moral. «Tout le monde va bien, c'est l'essentiel. Tant pis pour le reste!»

À mesure que les travaux de nettoyage avancent, toutefois, l'enthousiasme des survivants s'essouffle un peu. La tâche est colossale: quantité de bibelots, des photos de famille, des meubles, toutes sortes d'objets qui ne valent rien à côté d'une vie, mais qui en font partie tous les jours, sont condamnés au dépotoir.

En début d'après-midi, Michelle Browning, soeur de Melody, arrive sur les lieux. Elle habite tout près, mais elles ne s'étaient pas encore vues depuis la tempête. Quand Michelle la prend dans ses bras, Melody craque. Devant tant d'étrangers, elle sèche vite ses larmes, mais le sourire du matin n'est plus qu'un vieux souvenir. Aussi amoché que la télé défoncée qu'un ami vient de balancer sur le tas des choses à oublier.

Coups de griffes

Après avoir semé la destruction à Henryville, les orages ont poursuivi leur chemin vers l'est. Quand on roule sur la route qui mène à Marysville, à une quinzaine de kilomètres au nord-est, on dirait qu'une patte monstrueuse a planté ses griffes acérées dans le paysage. Sur des kilomètres, rien à signaler. Puis, d'un coup, à mi-chemin, les arbres sont de nouveau dépouillés de leurs branches. L'église baptiste de Mount Moriah s'est effondrée et ses débris jonchent le vieux cimetière qui la jouxte. Les champs sont parsemés de bois, de bouts de murs, de toits et de mousse isolante. Des amis, des voisins sont venus aider les gens du coin à nettoyer.

Un ou deux kilomètres plus loin, rien n'y paraît. Puis, arrive Marysville, petit village d'à peine quelques centaines d'habitants.

Ici, le vent semble avoir soufflé encore plus fort qu'à Henryville. La ferme qui se trouvait au milieu du village a été pulvérisée. Un de ses silos se trouve au bout du champ, désintégré, presque 1 km plus loin. Ses bâtiments ne sont plus que gravats. Dans la tornade, des fragments de poutre de bois sont devenus des flèches, qui sont par milliers plantées dans le sol, parfois jusqu'à une quinzaine de centimètres de profondeur.

Pourtant, personne ici n'a perdu la vie. «On savait qu'il y aurait des orages», raconte Kim Meadors, dont la maison tient toujours. Son garage a eu moins de chance et tout ce qu'il abritait est éparpillé jusque loin dans les champs.

Chez le voisin, une remorque de camion s'est lovée sur un arbre, pliée comme du papier d'aluminium.

Ici aussi, tout le monde est trop heureux d'être vivant et trop occupé à ramasser, à trier, à jeter pour se faire du mauvais sang. Mais on sent à la fébrilité des gens que tout n'est pas encore derrière eux. Compte tenu de la férocité de la tempête, samedi était presque un lendemain qui chante. Avec la magnitude des dégâts, les semaines qui viennent, pressent-on, ne le seront peut-être pas autant.

***

Le bambin n'a pas survécu

Une fillette de 15 mois retrouvée vendredi dans un champ, après une violente tornade, est morte hier. Angel Babcock était originaire de New Pekin, en Indiana. Une tornade a détruit la maison mobile où elle vivait avec ses parents ainsi que son frère et sa soeur. Ils ont été tués sur le coup. À son arrivée au Korsair Children's Hospital vendredi soir, la petite avait les yeux ouverts, a raconté Cis Gruebbel, directrice des soins infirmiers de l'établissement de Louisville, au Kentucky. Mme Gruebbel a toutefois expliqué que les choses s'étaient gâtées samedi, l'inflammation au cerveau n'ayant pas diminué. Au cours de la journée, l'état d'Angel s'est détérioré. Ses yeux ont cessé de bouger et elle ne présentait plus aucun signe d'activité cérébrale - AP