Depuis 2000, aucun avocat n'a plaidé autant de causes que lui devant la Cour suprême des États-Unis, soit 57. Sa 58e ne sera ni sa première ni sa dernière de l'année, mais elle sera de loin la plus importante: s'il obtient gain de cause, Paul Clement ne compromettra pas seulement la survie de la réforme phare de Barack Obama sur l'assurance maladie, mais également les chances du président démocrate d'être réélu en novembre.

Entendons-nous: la plupart des experts doutent que les neuf juges de la plus haute juridiction américaine invalident la loi adoptée il y a deux ans, et sur laquelle ils se pencheront pendant plus de cinq heures, une durée exceptionnellement longue, aujourd'hui, demain et mercredi.

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Mais ces mêmes experts n'ont aucun doute sur Paul Clement: il est, à leurs yeux, le meilleur avocat de sa génération. «Et s'il ne peut gagner cette cause, personne ne le peut», déclare Neal Katyal, ex-conseiller juridique de l'administration Obama.

Plaideur hyperdoué

Né il y a 45 ans au Wisconsin et diplômé de la faculté de droit de l'Université de Harvard, Clement a connu une ascension fulgurante. Après avoir servi d'auxiliaire juridique auprès de deux juges conservateurs célèbres, dont Antonin Scalia de la Cour suprême, il a été recruté comme conseiller juridique par le sénateur John Ashcroft, qui se trouvait alors à la tête d'une sous-commission sur la Constitution.

Devenu ministre de la Justice en 2001, ce même Ashcroft a de nouveau fait appel à Clement pour servir d'adjoint à Ted Olson, principal avocat de l'administration Bush devant la Cour suprême. Clement a succédé à Olson en 2004, devenant à 38 ans le plus jeune «solicitor general» en plus d'un siècle.

Le juge John Paul Stevens, pilier progressif de la Cour suprême pendant de longues années, a sans doute offert à Clement le plus beau compliment en le rangeant parmi les meilleurs plaideurs qu'il ait eu la chance d'entendre. Mais l'avocat hyperdoué, qui a l'habitude de défendre ses causes sans l'aide de notes, n'aura pas fait un parcours sans faute.

De son propre aveu, Clement a connu le pire moment de sa carrière d'avocat en défendant la position de l'administration Bush dans une cause portant sur le pouvoir du président des États-Unis de placer en détention, hors de la portée de la justice et pour une période indéterminée, des citoyens américains.

À la juge de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg qui lui demandait si le président avait le pouvoir d'ordonner le recours à une «torture légère» pour faire parler des détenus, ce que permettent certains systèmes de gouvernement, avait-elle précisé, Clement avait répondu: «Eh bien, notre exécutif ne le permet pas».

Quelques heures plus tard, la chaîne de télévision CBS diffusait des photos montrant des soldats américains en train de maltraiter des prisonniers irakiens dans la prison d'Abou Ghraib.

De toute évidence, cet épisode a nui davantage à la réputation de l'administration Bush qu'à celle de Clement. En 2008, celui-ci a été embauché par un cabinet d'avocats de Washington, King&Spalding, pour lequel il a plaidé plusieurs causes devant des tribunaux d'appel. Il a notamment remporté en 2010 une victoire importante pour les défenseurs du Deuxième amendement en persuadant la Cour suprême d'invalider une loi de Chicago limitant la possession des armes à feu.

Clients conservateurs

Tous les clients de Clement ne sont pas républicains ou conservateurs, mais la plupart d'entre eux le sont. Il a notamment représenté en janvier le gouverneur du Texas Rick Perry devant la Cour suprême dans une cause sur le redécoupage électoral. Et il défendra le mois prochain devant les mêmes juges la très controversée loi migratoire d'Arizona.

Cette semaine, il s'adressera à la Cour suprême au nom de 26 États américains, dont 24 sont dirigés par des gouverneurs républicains. Il fera valoir que le Congrès a outrepassé les pouvoirs que lui confère la clause de commerce de la Constitution en obligeant presque tous les Américains à se doter d'une assurance maladie, sous peine de sanctions.

L'administration Obama sera représentée par Donald Verrilli.

La défaite de Barack Obama en novembre ne nuirait certes pas à la carrière de Paul Clement. Plusieurs observateurs prédisent en effet que le prochain président républicain le nommera à la Cour suprême si l'occasion se présente.

En attendant, Clement a la chance de devenir un héros conservateur en terrassant ce dragon appelé «Obamacare».

Le Cour suprême rendra son verdict en juin.